Alors que Tyra ouvre les yeux, la première chose qui  lui est apparue est la toile de sa tente. Elle se réveille en douceur… Enfin,  autant en douceur que possible alors que la chaleur de Qalish commence à prendre  le pas fraîcheur nocturne. Si cela ne dépend que d’elle, la femme du nord  préfère vivre la nuit dans cette région du monde. Malheureusement, ce n’est pas  le cas de la plupart des habitants ici, et il n’y a rien de mieux que de  discuter avec les gens des environs pour trouver ce dont elle a besoin. Enfin,  aujourd’hui, ce n’est pas elle qui va faire le tour de marché géant de l’Oasis,  à glaner des informations aux comptoirs, tout en achetant différents matériaux  utiles pour sa magie. Non, aujourd’hui, la femme aux yeux d’or à décider de  lancer un hameçon dans la mer de sable, et voir ce qui peut en  sortir.

Après avoir eu un entretien avec la localité, pour s’assurer que  tout soit réglementaire, l’Eiskloster à décidé d’ouvrir son propre commerce aux  abords de l’Oasis. Oh, on lui a bien conseillé de rester dans les confins de  l’Oasis de Shamedar, aussi bien pour se protéger des éléments, de la faune, ou  bien des deux trois gredins qui n’hésitent pas à mettre à sac les marchands,  mais rien de tout cela effraie Tyra. Vraiment, son plus grand souci, c’est de  risquer d’endommager quoi que ce soit alors qu’elle utilise sa magie et de  risquer les ires des marchands locaux. De plus, avoir tout ce sable et cette  roche est une bénédiction pour elle. Elle peut transformer ces grains tout en  verre, ainsi que de transmuter la roche pour en faire les minéraux les plus  connus. Si le processus est sans doute incompris par la majorité des gens, qui  de toute façon ne voit que le résultat des créations de la possédée, les  résultats sont là, preuve étant les objets qui servent de vitrines à son  échoppe.

Après sa routine matinale, alors que les bruits de brouhaha  commencent à s’élever de l’Oasis, Tyra finit de préparer son magasin, qui se  situe sous la même tente qui lui sert de ‘maison’ ici. La tente est visible  aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur de la ville, prenant place sur un  plateau rocheux prédominant celle-ci, offrant non seulement une belle vue sur  cette plateforme marchande, mais aussi un gisement de fer de très mauvaise  qualité, daigné inutilisable par toute personne vraisemblable. S’il faut bien  une petite demi-heure pour atteindre sa position à pied, Tyra et ses différentes  capacités, à savoir sa monture qui prend un bain solaire au dehors de sa tente,  peuvent faire le trajet en quelques minutes seulement.

Malgré la distance qui peut dissuader les moins téméraires, Tyra est d’avis  que les bannières d’Halogia attireront forcément quelques curieux. Ça, ou  simplement le fait qu’elle est fait en sorte que la rumeur de présence, une  grande forgeronne venant du nord, circule au sein de l’Oasis. Bien qu’elle ne se  leurre pas sur le nombre de personnes qui vont oser taper la discussion avec une  “Barbare” nordique.

Finalement, la femme aux yeux d’or peut ouvrir  boutique. Alors que le Soleil commence à s’élever petit à petit dans le ciel,  Tyra s’occupe en étudiant les différents échantillons de minerais qu’elle  possède, jetant un coup d’oeil vers l’extérieur, voire si aucune silhouette ne  s’approche de sa tente. De temps en temps, ses pensées dérives, comme en  demandant, par exemple, il n’y aurait pas des métaux qui n’attendent qu’à être  découvert, enfouis sous le sable du désert.

Le garçon à peine arrivé en Qalish était déjà fatigué de ses premiers jours dans le monde tantôt ardent, tantôt glacial que ce pays adorait incarner, une fatigue qu'il arrivait cependant aisément à gérer physiquement, ayant déjà pu profiter des dons de son mécène le prince pour s'installer convenablement, une chance qui échappait probablement à la quasi totalité des têtes environnantes.

Il avait décidé aujourd'hui d'entamer une marche lente dans les allées marchandes, cherchant l'écho d'un marteau qui heurte une enclume comme les bruissements d'une soufflerie attisant le feu d'une forge, tout ça en gardant le visage penché vers le sol, maudissant à chacun de ses pas l'injustice de ce monde qui l'avait pondu sans œil divin, ou bien qui sait, se maudissait-il d'avoir perdu le sien.

Perdre, c'était le thème qu'il ressassait dans ses idées et qui lui donnait un teint terrible, déjà assez pâle de par sa condition, aux yeux blancs coulant en vagues dans son dos alors que ses prunelles rubis ne brillaient que d'une lueur faiblarde et pleine de résignation. Un tableau qu'il laissait rarement s'effondrer, mais voir l'espion ainsi marcher ne lui donnait pas la plus belle allure, quand bien même un regard simple suffisait aux plus intéressés à déceler les différentes facettes de sa musculature, de son corps comme de sa masculinité. Une tenue d'espion qui faisait un pied-de-nez à la décence elle même en moulant le corps de l'elfe sans limite mais qui faisait partie de l'uniforme.

En une particularité unique, la tenue du garçon ne se limitait pas à son armure indécente, il portait aussi un fourreau d'espadon sanglé à son dos, couvert d'armoiries elfiques, travaillé d'un cuir noble et sombre pour coller aux couleurs de Gwendolin. Une étrange ligne rouge large de quelques centimètres se dessinait à la verticale du fourreau, traçant du niveau de la garde de l'arme jusqu'à la pointe dans ce qui aurait autrefois été le refuge d'une luminescence magique écarlate les restes d'un enchantement brisé, un ornement fait de rubis qui ne brillait d'aucun éclat désormais mais s'était fissuré dans toute sa longueur en une multitude de morceaux.

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Les rêveries s'achevèrent chez le garçon qui releva les yeux enfin, il s'était perdu. Il ne pu faire sans se rendre compte de cette tente dressée là-haut, sur son plateau rocheux, comme le trône de coussins du prince dans la pyramide. Il avait oublié avec tout cela qu'une forgeronne d'Halogia marquait une étape ici, aujourd'hui. C'était pour cela qu'il était venu, quel idiot, pensa-t-il de lui même.

Une frimeuse, ajouta-t-il dans le creux de sa pensée, et il n'allait pas la décevoir. Il entama sa petite course à pied pour rejoindre la base du piton, étudiant d'un regard bref les différentes prises d'escalade. Ses différentes techniques de déplacement pouvant frôler la sorcellerie fonctionnaient nettement moins bien à la verticale, mais l'enfant pris quelques minutes pour se préparer.

Quelques flexions des jambes suivirent afin de se préparer à absorber le propre choc de ses articulations mises à rude épreuve lors de ses techniques de limier, puis il vint frapper le sol d'un duo de coups brutaux, sous la plante de chacun de ses pieds, accumula une pression anormale qui servit à le faire se catapulter de plusieurs dizaines de mètres en l'air avant de heurter la paroi rocheuse et de gravir le reste en usant avec hâte toutes les techniques d'escalades qu'il maitrisait. D'un point de vue extérieur, la simple scène ne pris que quelques secondes à peine et souleva une bourrasque de vent comparable à la vitesse élevée atteinte.

Enfin au sommet, il pris bien quelques dizaines de secondes à balayer sa combinaison de la poussière accumulée et à reprendre son souffle, ignorant si on lui avait déjà accordé un regard. Il fit ensuite l'effort de s'approcher de la tente, levant une main pour saluer en même temps que ses mots :


Il se gratta ensuite l'arrière du crâne d'un vague air gêné, se demandant s'il n'avait pas été trop direct. Au moins ses intentions étaient claires et se laissait tout le temps de converser ensuite.

Continuant son inspection du morceau qu’elle tient dans sa main, un bruit sourd  se vit entendre non loin de sa tente. Tyra tourne alors sa tête en direction de  l’Oasis, se demandant bien ce qui a provoqué un tel bruit, avant d’écarquiller  légèrement les yeux en voyant apparaître une silhouette, telle une flèche tirée  par un arc. Cette personne, semblant à un elfe si elle en croit les oreilles,  prend le temps de s’épousseter avant de rentrer dans la tente de la forgeronne,  lui laissant le temps de récupérer de sa surprise. Elle pose donc le morceau de  minerai sur sa table, se levant de son siège pour accueillir le client, qui sans  détour, lui indique la raison même de sa venue. Il sait déjà ce qu’il veut, et  il semble que ce soit lié à la réparation d’une arme.



Avec un sourire, Tyra lui fait signe de  la suivre, alors qu’elle enlève la toile cachant la partie de la tente qui sert  de forge. L’atelier est… Plutôt particulier. Si on prend pour point de référence  une forge des plus ordinaires, il y a plusieurs aspects de celle-ci qui peut  déranger. La première, c’est que la forge semble… Avoir littéralement poussé de  la roche. Les fournitures, l’enclume… D’ailleurs, même les fauteuils sont en  pierre ou métal… Et pour quelqu’un qui semble avoir peu de bagage ou de moyen de  transport, c’est étrange d’avoir autant d’effets personnels. De plus, il est  évident aussi, au vu des différentes runes et des cercles qui jonchent l’endroit  ici et là, que la forgeronne s’y connaît aussi pas mal en  sorcellerie.





La Sainte  observe son client un instant, alors qu’elle contourne l’atelier. Un elfe,  portant un estramaçon… Non, vu sa capacité à gravir la montagne en quelques  minutes, voir secondes, seulement, il doit être un individu hautement  athlétique. Elle ne doit pas laisser ses apriorités dues à ses origines lui  dicter quoi que ce soit. Et de toute façon, même si ce n’était pas le cas, vu le  fourreau richement décoré, cette lame à sans doute une très grande signification  pour lui, peut-être est-ce un héritage familial ? Quoi qu’il en  soit…

L'elfe hocha simplement du chef, s'il était plutôt silencieux, c'était principalement parce qu'une tonne de questionnements lui passaient par l'esprit, le songe qui était celui de ne pas avoir trouvé le bon artisan, de se tromper d'étape. Il avait déjà du forger cette arme du début jusqu'à la fin mais avait toujours du la confier à d'autres manipulateurs quelconques d'un élément spécifique ou d'un œil divin quand il lui manquait les compétences nécessaires.


Il prit la suite de Tyra sans rechigner, marchant dans son ombre en inspectant les invocations de terre et de métal ainsi formées, il se demanda à plusieurs reprises si son prince arriverait un jour à atteindre ce niveau de maitrise ; et sans mal, en passant ses doigts couverts par sa combinaison à la surface de pierre la plus proche, il pu reconnaître les stries typiques de tout constructeur faisant appel à un pouvoir de type géo.

Gwendolin cherchait du regard, d'un examen envahissant et peu désirable pour une dame, ses deux pupilles rouges naviguaient en quête d'un œil divin sans vraiment réussir, se demandant ensuite s'il avait affaires à un élémentaire ou à un démon, et s'il avait de l'expérience avec le premier, il redoutait le second.

Il préféra se forcer à briser le silence pour détailler sa petite personne ensuite, ne voulant pas paraître pour un grossier aventurier qui n'avait d'intérêt qu'à la recréation de sa relique et articula quelques mots :


Il vint sourire doucement, fier de sa bêtise, tirant son masque couvrant sa bouche d'un doigt pour révéler son visage jusqu'au cou de quoi paraître plus avenant. Ses mains s'articuleront ensuite pour décrocher le fourreau qui viendra se torde au milieu en formant un angle droit se dirigeant vers le sol lorsqu'il faudra l'approcher du support proposé, démontrant que la lame n'était pas seulement cassée mais même pas en un seul morceau.

Gwendolin, comme l’elfe s’appelle, est donc un  individu proche du prince de Qalish. Comme quoi, ce n’est pas une mauvaise idée  d’avoir fait pousser sa tente dans l’oasis, pour une durée indéterminée. Il n’a  pas fallu longtemps pour la sorcière du nord avant qu’une personne au profil  doublement intéressant ne rejoigne sa boutique. Non seulement de par sa  position… Mais aussi, dans le sujet du jour, par sa demande qui, sous un  registre taquin et bénin, se trouve un travail des plus intéressants. Tout en  hochant la tête devant les explications de son client, Tyra observe les morceaux  de l’épais espadon qui se trouve devant elle. De par son expérience en tant  qu’Eiskloster, et simplement par l’apparence atypique des morceaux présentés à  elle, il est évident que l’arme à toute autre vocation qu’être utilisé pour le  corps-à-corps, et les explications de Gwen ne font que justifier la première  pensée de la forgeronne.

Pendant que le premier fini son explication, la femme aux cheveux d’argents  se saisit adroitement de la poignée de l’arme, passant celle-ci sous tous les  prismes de sa vision et ses couleurs, observant le travail qui a été apporté,  aussi bien sur le côté de la forge, que sur le côté magique. Malheureusement,  ses connaissances basiques en enchantements ne lui permettent pas d’apprécier  pleinement toute l’orfèvre que l’héritage, bien que tragique, familiale de  l’elfe à nécessité pour naître. Ce clair manque de compétence dans ce domaine ne  fait que la motiver davantage à essayer d’apprendre l’enchantement, car il est  évident pour Tyra qu’elle ne peut atteindre le paroxysme de son artisanat  uniquement quand elle peut créer se genre d’arme par elle-même… Enfin, tout  cela, c’est une fois qu’elle a fini d’apprendre sur quoi la possédée à tourné  son attention dans le moment.

La femme aux yeux d'or repose délicatement l'arme sur l'établi. La lueur des lampes de l'atelier jette une teinte chaude et dorée sur la scène, mettant en valeur le métal luisant et les courbes des restes de l'arme posée devant elle. Ses doigts fins parcourent chaque ligne gravée et chaque symbole avec une expression pensive, son regard s'attardant sur chaque détail. Ce n'est que lorsqu'elle a pleinement assimilé chaque aspect de l'arme qu'elle se retourne pour admettre de nouveau la présence de son client.


Un léger sourire se dessine sur ses lèvres avant qu'elle ne jette à nouveau un coup d'œil à l'arme, son expression devenant plus sérieuse. Elle reprend la parole au bout d'un moment.


Tyra porte sa main devant ses lèvres, jugeant du regard le temps qu’il va lui  falloir pour remettre d’aplomb cette arme, tout en s’assurant que la suite du  processus de restauration, pour peu que l’elfe le désire, soit le plus simple  possible pour la personne qui vient après elle. La majorité des morceaux  semblent être présents, mais il va sans doute falloir travailler des nouveaux  morceaux d’obsidiennes. Si avoir les morceaux adéquats n’est pas un problème, il  reste le temps de fabrication qui va être long, sans compter la difficulté de  les rassembler avec un matériau aussi friable, et qui n’est plus protégé par son  ancienne sorcellerie.


Finalement, Tyra lève de nouveau les yeux vers Gwendolin, ces derniers ayant  une étincelle d’avidité qui brille dans leur regard.

Le regard expert de Tyra suffira amplement à déterminer les quelques imperfections de la forge initiale de l'arme, on pourrait même dire que la personne à l'origine de l'arme n'était pas vraiment très doué en comparaison d'une forge d'arme experte. L'explication pouvant être facile à déterminer puisque le précédent forgeron se trouvait face à elle. Il n'avait eu qu'à suivre des indications de ses ainés, n'avait jamais mis le cœur à l'ouvrage et n'avait infusé dans l'arme rien d'autre que des recettes éxécutées comme on le lui disait de faire.

La reforge ouvrait une certaine liberté à raffiner l'ouvrage, à faire de l'arme d'héritage une lame d'exception de sa première étape jusqu'à la dernière.

Concernant l'enchantement, celui-ci était absent, ou bien ses derniers entrelats ne témoignaient plus que d'une puissance ancienne et presque totalement dissipée. Les quelques billes de sang solidifiées trainant ci et là détenaient encore une parcelle d'énergie appartenant à leur propriétaire d'origine, mais autant dire que le vent lui même portait des courants magiques plus puissants.


Il alla tenter d'afficher un fin petite sourire sur sa trogne mais ainsi habillé, l'espion donnait toujours une sensation de faux-semblant, d'un garçon rarement capable de parler ouvertement. Et poser les yeux sur l'espadon ainsi brisé alimentait à nouveau ce sentiment : tout n'était pas dit.


Gwendolin vint ensuite hausser des épaules à l'annonce des délais, le temps des réparations ne le dérangeait vraisemblablement pas mais se séparer par contre des morceaux de son héritage le chagrinait particulièrement, faisait marcher tous les processus cognitifs biaisés menant à des conclusions presques paranoïaques. Il contena ses conclusions en hochant visiblement à contrecoeur devant l'inévitable.