En plein cœur de l'Oasis de Shamedar, un courrier filait au crépuscule comme à la poursuite du soleil, retenant son écharpe de s'envoler en s'enfonçant dans des ruelles où le vent s'acharnait contre son visage. Il ne reprit son souffle qu'au pas du cabaret du prince, alors approché d'un portier qui le reconnu par la fréquence des correspondances. Un certain tatouage fut présenté au dessous d'un brassard de cuir anodin, un or terne glissé sous sa peau en imprimant le sceau des coursiers royaux, marque discrète de ces gens qui se devaient passer inaperçu la plupart du temps. La missive fut rendue, et livrée au mécène Theles dans les minutes qui suivirent.
Il était convoqué à la Pyramide d'Éternité, cette injonction estampillée tant du sceau royal que d'un autre qu'il ne reconnaissait pas. Une affaire commerciale ou diplomatique se disait-il, mais l'absence de contenu du document le laissait perplexe, bien qu'il n'avait aucun doute sur la provenance de celui-ci en reconnaissant bien l'écriture d'un parent qu'il n'aimerait pas blesser d'un retard ou manquement.

Il quitta l'Oasis aussitôt, prévenant ses gardiens qu'ils devraient l'attendre car une affaire pressante l'appelait au phare du désert; l'énergie qui provenait de la Pyramide se faisant tant sentir et voir qu'une aurore boréale traversant Qalish. Dans la hâte, il ne se servirait ni d'eux ni de guide, ni même d'une caravane non. Son pouvoir dirigeait à la terre même, et levant la main, il fut dressé sur un piédestal rocheux jaillissant du sable, glissant sur ces grains brûlants à vive allure devers son foyer, cette Pyramide dont on voyait d'ici le sommet.

Ce n'était la première fois qu'il orchestrait ses pouvoirs de la sorte, satisfaisant un agenda chargé par des déplacements qui sauvaient des jours de marche par quelques heures la cape au vent, et cela était toujours distrayant tant les vents eurent fait chavirer les dunes dans de nouveaux sillons qu'il arpentait avec joie entre chacun de ses voyages. Il rentra au beau milieu de la nuit.

Salué par des gardes à l'entrée des faubourgs de la ville au pied de la Pyramide, un engagé des Lances Solaires stationnant ici l'accompagna jusqu'au centre du pouvoir local, où l'attendait un conseiller du Pharaon, habitué des escapades nocturnes du prince. Sans avoir même à mentionner la missive que l'érudit l'invita à rejoindre ses quartiers où l'attendait un dignitaire étranger, exprimé dans un ton un tantinet cynique qui fit jouer de l'imaginaire à l'Héritier.





Une inclinaison de tête confirma à chacun le déroulement qui suivrait et Theles fit route vers l'aile où se partagent de luxueux quartiers, individuels tout comme partagés pour les membres de haut rang de la Dynastie. Une simple incantation suffit à ouvrir une porte de pierre ornée de pigments rouges, bleus ainsi que dorures et arabesques, donnant sur une immense pièce où d'innombrables œuvres étaient suspendues aux murs, cloisons ou présentées à même le sol ou sur des colonnes, ces dernières elles-mêmes chefs-d'œuvres. Du sol au plafond, tapis, draperies et chaînes décoraient chaque pouce d'un lieu surchargé de richesses. En son centre, un renfoncement donnait place à une table où l'on pouvait tenir banquet, entouré de coussins, tandis qu'au fond de celle-ci était un lit royal accompagné d'une fastidieuse salle d'eau munie d'une porte discrète où pouvaient entrer serviteurs pour pouponner le Prince.

Avançant dans ce musée, son dévolu fut jeté sur une coupe de vin avant même de penser à se refaire une beauté.

La course éffrenée de l'espion ne ralentissait pas. Son peuple avait déjà envoyé la missive à l'avance de son arrivée, et ils s'étaient bien amusés à lui donner un délai aussi absurdement court qu'aucun autre que lui n'aurait sans doute pu arriver à l'heure. Son regard se portant vers le ciel, il pouvait enfin observer la couverture étoilée avoir remplacé l'astre solaire, au moins n'aurait-il plus chaud mais redoutait-il déjà le froid.

Il comptait les grains, autant ceux qui filaient sous ses pieds que du temps lui restant. Arriver en retard l'aurait vraiment fait passer pour un plaisantin, lui qu'on avait déjà charié tout le long de son entrainement. La pression qu'il exerçait sous chacun de ses pas faisait exploser le sommet dunes de sable dans son sillage et tout cela contribuait autant à le ralentir qu'à le destabiliser.

Malheureusement pour lui, cette technique de déplacement nécessitait un support solide pour profiter des meilleurs résultats et le sable n'était vraisemblablement pas la meilleure surface. Quand bien même, l'ombre se déplaçait d'un petit mont au suivant avec une hâte surnaturelle.

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Il arriva enfin, essouflé sans même le temps de se désaltérer d'un verre d'eau. Il redourait le pire, cherchait des signes de son avance ou de son retard chez les Lances Solaires sans qu'aucun ne lui réponde réellement.

Mais enfin la chance vint à lui sourire, il s'introduisit innocemment dans la pyramide, trouva les quelques dédales à suivre d'un plan qu'il avait pu observer avant son départ, un lieu public rendait toujours plus simple d'en connaître la configuration, et jamais aurait-il osé mettre les pieds dans un tel monument sans avoir appris chacun de ses recoins -connus- et imaginé au moins deux plans de fuite et d'intrusion.

C'est le conseiller tout avenant qui le fit prendre la meilleure route, l'orienta vers les quartiers du prince. Et enfin vint le temps de l'introduire :


L'espion droit comme un piquet fit alors quelques pas dans la direction qu'on lui donna, passant les portes, se figeant maladroitement à quelques pas de trop de la distance qu'on lui avait donnée.

Il était habillé de sa tenue de maître-espion, portant du gris ou du bleu crépusculaire partout où la soie tissant l'armure passait. C'était d'ailleurs une étrange façon de considérer un tel habit comme une protection puisqu'elle semblait d'autant plus révéler chaque partie du corps, intime comme habituelle, que de les protéger.

Cependant, la facture elfique d'un tel ornement rendait son port agréable, les mouvements n'étiraient rien et profitaient de propriétés élastiques suffisantes pour permettre des gestes amples.

Le masque qui faisait partie de la tenue elle même remontait jusque sous les yeux rubis de son porteur. En intérieur, l'elfe avait aussi défait le turban qui couvrait sa chevelure d'un blanc pur des tourbillons de sable, qui en longueur, descendait jusqu'à ses lombaires, auxquels il donna une impression de vague en remuant la tête faiblement, encore dans un état physique et mental prompt à de l'exercice. Il a beaucoup couru, c'est certain.

Il n'avait pas grande idée de comment s'adresser à un prince, on lui avait bien conseillé de capter l'attention du prince, mais l'art s'exprimait à travers ses déguisements. Il fallait laisser une forte impression.



Tandis que ses mots vinrent s'achever, il heurta le sol d'un pied qu'il utilisa pour se propulser sur Theles. En une fraction de seconde, une bourrasque de vent violente vint tourbillonner dans la pièce sous un déplacement vif, les draperiess se soulevèrent momentanément sous une lame d'air invisible qui souffla au niveau du sol.

Toute la distance qui séparait le prince et l'espion eut été avalée par la méthode de déplacement unique de l'elfe, un battement de cil aurait été trop long pour l'observer dans toute sa durée et on aurait cru à de la pure téléportation.

Pour calmer toute réaction défensive, l'espion arriva les deux genoux et le front contre le sol, aux pieds du prince. Sa voix soudainement essoufflée comme s'il venait de courir quatre marathons s'éleva :



Il attendait une réponse, espérait avoir bien fait, au moins, ses aptitudes étaient indéniables.

Il était là, savourant une coupe de vin assis sur l'un des nombreux moelleux élaborés encerclant la table centrale à son petit nid douillet. Sa senestre levait la boisson à ses lèvres tandis que la droite orchestrait un manège de particules et grains de sable, comme les anneaux d'une planète se formant autour de la danse que ses doigts réalisaient. Il s'agissait des intrus à ce lieu autrement impeccablement tenu; de nombreux serviteurs s'occupaient journalièrement de faire la poussière. Non, celle-ci n'était pas inhérente à l'inefficacité des servants mais bien à ce qui s'était incrusté dans ses cheveux ainsi que son sarouel et sandales lors du voyage, toutes ces petites choses attirées. Chose amusante s'il en est, ses cheveux eux-mêmes semblaient s'être électrisés, des mèches se levant. Au moins, elles ne trempaient pas dans le vin.

La porte ensorcelée toujours ouverte, le Conseiller annonça l'arrivée de l'envoyé avec assez de voix pour ramener de ses songes Theles, qui sourit à l'absence de patronyme évoquée. Sa poigne se referma sur ces particules qui coagulèrent en une bille compacte et lisse, minuscule qu'il déposa sur la table, tout comme sa coupe. Ses yeux d'ambre dévoraient déjà d'un regard félin l'elfe qui lui était présenté, curieux, intrigué ou prédateur comme le sont les cougars du désert. L'élan du l'espion fit relever non seulement quelques draperies, mais également moult accessoires de sa tenue; de sa cape lestée d'un gigantesque collier d'azurs et d'une étrange pièce d'ambre brillante, à quelques rubans d'un bleu royal qui décoraient son sarouel sous des plaques d'or qui suivent et embellissent sa musculature. Cette petite bourrasque lui aura non seulement arraché une éloge de surprise, mais aura su le déstabiliser un instant; qu'il s'agisse du vent ou d'un réflexe à la riposte, ses mèches s'étaient encore relevées... Avant de retomber sur les contours de son visage.

D'un geste de main, il ensorcela une amphore ainsi qu'une nouvelle coupe d'un vin fruité aux notes de caramel, importé des contrées méridiennes, qui rejoignit cette première. De l'autre, la dextre, il fit invitation à l'elfe de se redresser, ou bien de saisir cette main pour le faire, jouant d'un quiproquo s'essayant déjà de découvrir les manières de l'espion.



Tout en lui présentant la coupe de vin, il jette un regard à son conseiller sur le point de partir, prêt à lui faire transmettre une demande comme à le renvoyer.

L'espion releva les yeux afin de voir la main tendue, d'un réflexe immédiat il leva la main ─elle aussi couverte par sa tenue unique jusqu'aux ongles taillés pour ne pas dépasser de chaque doigt─ pour s'en saisir et tirer dessus comme on le ferait lorsqu'un camarade nous propose de l'aide du même geste.

Il souhaitait aussi tester le prince, comprendre s'il s'agissait en fin de compte d'un petit garçon à qui on avait appris à tenir ses couverts sans jamais savoir comment s'en servir ou s'il avait le véritable potentiel de se révéler être un maître agréable à qui obéir.




Il afficha finalement un fin sourire qui bien que caché sous le masque était épousé par les contours du tissu à merveille, assez décontracté finalement dans la façon choisie pour s'adresser au prince.

Une main se hissant à son nez, il dévoilera le reste de sa figure tout en acceptant le verre de ses doigts libres, se permettant d'avaler le vin en de fines gorgées successives, installant son regard brûlant d'une teinte rubis immuable, un immobilisme pouvant paraître dérangeant ou porter des sous-entendus quelconques alors qu'il descend son verre comme un petit lait, n'aérant pas le vin en bouche, ne le malaxant même pas de la langue pour faire porter ses aromes à son nez, rien. C'était du raisin, un jus de fruit, quoi, et il l'avala de cette façon.

Le regard dans celui de son conseiller, une inclinaison de tête couplée à un clignement des yeux alenti fait s'entendre les deux hommes. À l'ouïe fine, on entendra plus loin le dignitaire transmettre à un servant d'apporter pitance sur la table du prince, pour deux.

Theles soupesa la main de Gwendolin, avant de l'étreindre et jouer du coude pour tant l'aider à se relever que le rapprocher de lui avec grande attention pour ni le brusquer, ni le faire manquer une gorgée du vin. Ses prunelles se hissèrent sur le sommet de la tête d'un nouveau servant qui le dominait d'une demi-tête, de quoi le faire sourciller avant de retrouver un air aussi bienveillant qu'enjoué, saisi d'un rire court mais franc à l'évocation d'appartenance. Ce n'est qu'enfin qu'il relâcha sa main pour se saisir de sa propre coupe qu'il avait laissée sur la table et d'un geste de tête vers celle-ci, sommant l'invité à le rejoindre lorsqu'il s'assit derechef dans l'un de ces volumineux mais si confortables coussins, moelleux mais suffisamment tenants pour ne pas faire s'écraser ceux qui s'y installent.



De là où s'est dirigé son regard, un déclic se fit entendre, loquet à la sonorité étonnement douce, sans doute pour convenir à l'ouïe sensible d'un adorateur musical. Sous ces draperies semi-opaques, superposées, un petit bras les sépara pour qu'une jeune femme lagomorphes fasse irruption, habillée d'une robe blanche sans distinction et portant un plateau de denrées prêtes à déguster, bols de fruits mélangés en dattes, raisins, figues et jujubes ainsi qu'un quartier de pastèque dans un autre. À cela s'accompagne du pain à l'ail  coupés dans de grandes tranches ovales à croûte craquante et un tartare de bœuf persillé et poivré. La servante ne dit mot et dépose à côté du Prince ce plateau lors d'une révérence, puis s'écarte brièvement auprès d'un meuble à vitrine où étaient rangés coupes, amphores et jarres, argenteries diverses pareillement à de petites œuvres. Ce sont deux coupes en or qui sont apportées pour qu'y soit servi un hydromel local, aussi doux qu'une bière, en place de l'eau.

Le prince congédie la servante d'un geste de main mais la suivra du regard jusqu'à ce qu'elle disparaisse, vraisemblablement fasciné par cette femme-bête dont les jambes étaient bestiales, tout comme de longues oreilles blanches et brunes. Hélas, avant de satisfaire davantage le regard, la porte s'était fermée et les draperies la cachaient de nouveau. Il piocha une jujube et croqua dedans, retournant toute son attention sur l'espion.



Appuyant son coude sur la table, le fruit au bout de ce bras, le dos de sa main accommodera son visage lorsque le prince ne croque pas dans ce qui est en quelque sorte, une pomme locale. Ses yeux ambrés nitescents braqués dans ceux d'un carmin sanglant, un délicieux sourire, confiant autant qu'arrogant, orne son parfait visage.

Naturellement, la grande perche elfique suivit l'invitation jusqu'à couler dans les coussins, retenant faiblement sa chute contrairement aux plus petits qui ne souffraient pas d'un effet de levier aussi important lorsqu'il fallait tomber. Il repositionna dans une position qui lui semblait plus confortable, quelques coussins étant malaxés pour en juger du moelleux puis déposés dans son dos et contre son bassin, adoptant une posture tourné d'un quart vers le prince tandis que ses cuisses se croisaient en tailleur.

L'espion suivit du regard la prestation du prince, afficha un plus large sourire encore alors qu'il vit la servante s'approcher, pourquoi fallait-il que ce soit une femme-lapine ? Il voulait déjà lui sauter dessus et lui frotter l'arête du nez, choyer ses oreilles et passer une journée à l'écouter réciter son histoire en étant confortablement installé sur son ventre... Il accordait une fascination indiscrète pour cette femme, sans jamais préciser quelque part qu'il l'appréciait seulement du fait qu'il n'avait jamais eu que des lapins comme animal de compagnie lors de son enfance.



A ses derniers mots, il prit soin de glisser entre ses lèvres un raisin unique qu'il happera de sa langue pour le saccager entre ses dents d'une mastication marquée d'un geste évocateur. Rien de tout cela n'aura été réalisé sans qu'il n'entretienne un contact visuel ininterrompu, une prise de position pour savoir qui des deux cèderait aux provocations subtiles et une preuve de force d'un espion à son nouveau maître. Il afficha finalement un sourire tout à fait innocent sans rien dire du geste qu'il venait de réaliser.



Ensuite, il n'oublia pas au milieu de ses petits jeux de séduction qu'il succombait à une faim qui ne cessait d'agresser cruellement ses tripes contre laquelle il luttait pour ne pas faire émaner de ses entrailles un appel à l'aide qui aurait détruit toute l'image qu'il se donnait. Fort heureusement, il su réprimer la moindre réaction qui furent les plus fortes au moment de poser ses yeux sur le repas. Passé cela, il commença à déguster le tartare.

Les deux hommes se reconnaissaient dans le partage muet d'un moment de fantaisie lors du service de cette femme captivante. Toute cette attention se partageaient dorénavant de l'un à l'autre, s'essayant tant à se comprendre qu'à se découvrir. Attentif, le prince interrompait ses lèvres à la surface du fruit pour s'abreuver des paroles de l'espion, son regard décrivant quelques courbes à la poursuite des manières et mains de ce dernier. Redressant l'échine, il échangea sa posture pour une plus désinvolte encore, s'effondrant davantage dans le coussin d'assise et celui servant de dossier, aussi décontracté vers l'arrière qu'il l'était devers l'elfe dont ses jambes se sont croisées et pas n'importe comment, sa fouleuse droite manquant d'effleurer l'un des genoux de Gwendolin.

Il montra les crocs, tout comme le fit son invité en éclatant les raisins sous les siennes. Une lente morsure arracha une généreuse portion de chair au jujube avant que la griffe du prince ne se renverse en arrière, près de son propre visage. De cette main, l'index tendu décrit une courbe au sommet de son esgourde d'un air implicite avant d'aborder le sujet.


Il donna à son invité l'air que ses détracteurs redoutaient de lui; un regard froid et calculateur, jugeant des actions à prendre, des réactions à prévoir. Le cobra présentait sa couronne en levant sa senestre. Une prestation de force intimidante retentit dans ses quartiers alors que la pièce elle-même semblait prendre vie, du sol aux murs vibrant et craquelant, tandis que sur la table de bois la sphère compactée de sable de poussière se mit à planer jusqu'entre les deux hommes. Elle aussi tremblait en plein air, comme au creux d'une main invisible hésitante... Puis se brisa, fracturée en deux parties qui muèrent en deux rubans dissosiés, serpentins l'un de pierre et l'autre de sable, en tango aérien, se rencontrèrent jusqu'à fusionner ensemble derechef, fondant d'une lueur ensorcelée, presque maléfique, avant de reparaître transfigurés, unis. En place des rubans siégait un petit œil oudjat en or, une proposition de soumission comme de protection à portée de main de l'elfe noir, sous le regard inquisiteur de son prince.

L'échange tacite se poursuivait dans un second degré de lecture, l'espion s'amusant d'attirer le regard du prince à certains endroits, à guider ses yeux vers des régions qu'on pourrait juger dangereuses lors d'une première rencontre, d'un premier rendez-vous. Et pourtant, tout cela donnait suite au premier plan à une conversation honnête avec un ton oscillant sur différentes nécessités du charnel à l'amical, mais généralement honnête.

Gwendolin lui suivit de ses deux billes rouges le prince s'effondrer dans ses coussins comme chacun aimait tant le faire dans son lit après une journée difficile, à cette réaction, il vint se pencher dans sa direction, plantant une paume à quelques pas de ses cotes dans le moelleux coussin aussi vivement qu'il le pu, s'invitant à fondre sur lui...
Avant que son autre main n'aille chercher sur la table à côté un petit pain garni de nourriture. Il souria en conséquence, s'amusant comme il pouvait de la tension que chacun alimentait avant de reprendre une posture droite là où il était bien installé.


Le maitre espion ne s'inquiéta pas vraiment de la situation prenant place ensuite, il observa le monde se briser et l'idée de finir empalé par un pieux de pierre lui était bien passée par l'esprit, toujours très morbide dans le refuge de ses propres pensées. Il comptait de toute manière sur sa vitesse exceptionnelle pour se tirer de tous les problèmes mais se savait incapable d'attenter à la vie du prince, fût l'elfe et sa vie mise en danger.

Son regard se mit ensuite à suivre les rubans agiles que le prince maniait du simple geste de sa pensée, une profonde colère s'éveilla dans le creux de la poitrine de l'elfe à voir ainsi l'usage d'un œil divin révélé à ses yeux, il n'en montra rien. Pas même de palpitation à la tempe, ne forma qu'un sourire faux et émerveillé devant les gesticulations. Il ne tarda cependant pas à expliquer le fond de sa pensée :



Les derniers mots du garçon sonnèrent presque froid, dans l'automatisme d'un esprit qui avait été formaté ou brisé pendant des décennies. La lueur dans les yeux du garçon s'éteignit alors qu'il s'autorisa à clore les paupières quelques secondes, attendant le verdict du prince.

L'audace de l'elfe à surplomber si sauvagement le Prince se refléta tant au visage de ce dernier que dans le fracas des murs suspendu à ce moment de tension à son zénith; ils étaient si près l'un de l'autre que leurs souffles s'entremêlaient. L'espion parvint à soumettre l'héritier à un petit ricanement qui isolait sa suspicion par un timbre d'agréable surprise, tendant vers un relâchement de cette atmosphère embrassant tant la violence que le charme et l'intrigue. Les mèches électrisées du prince retombèrent aux contours de son visage, marquant l'accalmie durant laquelle il écouterait chacun de ses mots sans l'apostropher. Son regard pacifié par les révélations de l'albinos; il n'oserait ressentir de la pitié, mais il nourrissait une sympathie brûlante, un sentiment de révolte qui, lorsque le silence revint, le somma de choisir ses mots avec plus de mesure.


Entrouvrant sa dextre, le fruit s'y trouvant s'enivra d'énergies siphonnées du bout de ses doigts, inscrivant à même la pulpe le marché qu'ils allaient conclure, engageant tant sa parole qu'un ensorcellement pour certifier l'ambition derrière ces mots. Ce pacte, seuls eux en auraient connaissance, voué à être consommé pour le sceller. D'un geste tacite, il approcha ce contrat du sceau mandé, ne restant à l'elfe qu'à y faire l'empreinte de ses crocs pour lier leurs destins selon cet accord.

Dès l'instant où l'elfe posera sa signature, l'œil dont il lui a été fait don s'étendra d'une chaînette dorée qui lui permettrait de s'en habiller de la sorte qui lui siérait le mieux, et après l'incantation senestre du Prince à cet effet, la main irait souligner la mandibule de son nouvel ami d'une caresse insistant à ce qu'il relève le menton, implicitant le désir de Theles de le voir fier et aussi audacieux que ses actes.

L'albinos retrouva un calme total et non feinté après son récit poignant, l'inconfort de devoir révéler sous contrainte des détails de son histoire qu'il préférait laisser à l'ombre du monde n'avait pas contribué à beaucoup l'amuser mais était-il contraint par son propre serment de répondre aux questions, qu'importe étaient-elles et aussi indiscretes pouvaient-elles être.

Il espérait néanmoins dans le coin de son esprit qu'une telle liberté de contrôle ne se retournerait pas contre lui, que Gwendolin aurait pu se satisfaire d'un millier de meurtres au nom de Theles Hasis I, mais qu'il aurait détesté devoir passer une journée, une seule, en compagnie d'enfants à garder. Qu'importe, celui qui tenait la trique pour frapper l'autre ne reflétait pas toujours la réalité, et l'elfe comptait bien imposer ses propres conditions en insérant dans le débat une éloquence rare.

La première méthode de persuasion sera entreprise sans délai, le fruit ainsi offert et prenant la forme du contrat explicite, il le scella en approchant son corps de nouveau, son dos arquant une courbe incertaine alors qu'il se pencha vers le fruit du jujube, ses lèvres se décrochant l'une de l'autre pour révéler sa dentition d'elfe, armée de canines proéminentes qui vinrent faucher le fruit à l'endroit même de la précédente bouchée du prince. Il en arracha un bout net, ponctuant le silence ainsi installé par le croquant du fruit déchiré.

Il ne gâcha pas une miette à le mâcher calmement, dégainant sa langue pour se pourlécher les lèvres en un mouvement rotatif, souriant enfin une fois sa petite manoeuvre réussie.

Sa main demeurait en périphérie du visage de l'éphèbe assassin, perdure une tendre sympathie livrée du bout des doigts, caresses se voulant transmettre plus que des mots la place que commençait à prendre Gwendolin dans le destin de Theles. Il souriait, se réjouissant que ses termes soient acceptés par cet autre parti qui devenait à l'instant le sien. En possession d'un tel atout, les ambitions qu'il s'était gardé de révéler devenaient envisageables, cet elfe était la première pierre de son édifice, l'instrument qu'utiliserait le Prince pour réaliser son destin, ses devoirs.

Avec pareille considération, les doigts de sa dextre s'immiscèrent entre ceux de l'espion, récupérant le fruit à sa poigne, autant que sa main, dans cette approche qui flirtait encore avec un charme arrogant. Voyait-il en lui plus qu'une solution à un problème ? Il ajouta sa signature en travers de la première en soutenant un regard ambitieux vers son nouveau servant.


Inspirant, il faisait ménage et registre dans ses pensées tout en se galvanisant de la présence du récipient de ses convictions, à qui il accordait de manière pérenne cette fine affection ainsi que l'accès au fruit dont la magie s'était activée et éteinte, il ne restait plus beaucoup de sa chair fade pourtant si sucrée.



Aussi loin dans la nuit, le Soleil n'allait pas tarder à se lever, aussi le Prince s'avoua vaincu par la fatigue d'un bâillement suivi d'un regard vers le fond de la pièce, où sa suite royale s'ennuyait de l'absence du maître. Theles se séparera de l'elfe dès qu'il finit l'évocation de ses projets, puis s'extirpa des coussins en direction de son lit. D'une œillade vers Gwendolin, il le congédiait pour l'instant.

Gwendolin accorda de ses doigts à l'échange subtile du fruit de main une caresse dissimulée à la peau du prince, un contact qui bien qu'à jamais séparé par la texture caoutchouteuse de sa combinaison laissait d'une épaisseur si mince la sensation de l'atteindre à travers.

Il se sépara enfin de lui et décida de couler dans les coussins, s'allongeant en tirant ses bras loin au dessus de sa tête dans un étirement bien mérité après avoir galopé autant de temps sans pause, laissant finalement ses jambes naviguer dans les creux des différents ravins formés par la séparation des poufs.(j'adore ce mot)



Sans autre requête, l'Espion s'accordera de lui même le droit de fermer les yeux en lieu et place de ces fameux coussins. Il se cacha bien de dire que ses méthodes de déplacement ponctionnaient une partie non négligeable de ses forces physiques.