D'une stature solidement chevillée, à la posture droite, presque élancée, les mains nichées au fond de ses poches.
Sa présence rayonnante est rassurante, presque royale si Ahriman n'était pas aussi désinvolte.
Enveloppé d'étoffes aussi amples que confortables, le joyeux bougre apprécie sentir sa peau respirer ainsi qu'avoir les mouvements libres. Portées de tout temps en voile superficiel, telle l'éclipse fragile d'un corps fier.
D'un blanc délavé, ses longues ondulations rebiquantes sont attachées telle une farouche crinière. Quant à sa pilosité.. en a-t-il déjà eu ?
On le remarque à son profil athlétique, d'une stature respectable pour un humain, atteignant presque 1m90 pour une silhouette équilibrée.
De plus près, son physique est bâti d'une musculature fermement sculptée, certainement celle d'un guerrier.
Où que l'on puisse porter regard, sa peau -bien que pâle- est immaculée de blessure ou d'imperfection, même ses mains sont délicates. Ce type est certainement l'un de ceux qui ont toujours vécu dans le confort.
- C'est un Elfe, je vous l'assure. Ces traits fins n'existent que chez eux, et c'est pas la première fois que j'en vois un.
- T'es aveugle ? Il n'a pas de longues oreilles, c'est un Humain !
- Vous avez vu sa mâchoire ? ses crocs ? on croirait voir un Homme-Bête. Qui sait ce qu'il cache encore..
En dépit d'une apparence désarçonnante, son sourire défroisse les humeurs. Tantôt accueillant, tantôt carnassier, quand il ne rit pas. On reconnait là que sous ses traits angéliques se cache une grimace prédatrice.
Sa voix est enjouée et profonde, d'un timbre presque chantant. Il s'exprime librement, jusqu'à faire fi de manière.
Une vive lueur indigo s'écarquille, le regard saillant pénétrant jusque dans l'âme. Un véritable tressaillement d'oppression pour certains, une indécente extase pour d'autres, ou encore un moment de flou, de fatigue.








Une silhouette moins tape à l'œil, ses qualités ont quelque chose d'élégant de par leur pudeur.
Mesurant un timide au moins 1m70. C'est d'un pas décidé -bien que maladroit- que Uranie se rapproche tranquillement.
Contrairement à son tempérament, sa nature est plutôt généreuse. Là où son apparence svelte se cache dans des tenues confortables, en véritable armure de goût face aux intempéries. Quand elle ne peut pas porter autre chose elle utilise les étoffes d'Ahriman, afin de s'emmitoufler dans un confort que seul un gabarit comme le sien permet.
Sa chevelure argentée lui a valu bien des gouailleries comme des gloussements au détour d'un regard narquois. Quand ce n'est pas pour ses traits enfantins qui perdurent malgré les années passées.
Cette jeune femme porte résolument les stigmates du passé sur corps, raison de plus de cacher sa peau fragile, mais pas seulement..
En effet, elle ne laisse pas Ahriman aussi libre pour rien, ça lui serait trop douloureux d'explorer le monde sans son aide.
Ses prunelles pers en amande en ont fasciné plus d'un, bien que ses paupières soient rougeoyantes.
Ne te méprends pas sur sa voix, les émotions comme la passion du jeu dévoile le coffre d'un timbre des plus impétueux.








Nous sommes tous stupide, sache-le.
Si certains s'en habillent, c'est juste qu'ils sont pudiques.
Si d'autre s'en délestent, c'est qu'ils en ont honte.
Quant à ceux qui l'acceptent, ils sont stupides de se croire qu'ils le sont.
Comme toute personne bien plus âgée qu'un humain, Ahriman se sent comme en marge des normes temporelles humaines, ce qui le ramène à sa solitude.
Néanmoins,  le temps érode bel et bien l'esprit, donne plus de temps aux mensonges pour devenir insidieux, où demain peut devenir une décennie de léthargie.
Ses identités -dont il perçoit certains flashes- s'accrochent à son subconscient comme des cicatrices oubliées.
À la recherche de la tempérance, ce loustic se targue de dompter l'excès et l'absence.
Certains le désignent comme d'un fanfaron licencieux, et d'autres le qualifient de badaud irrévérencieux.
Quant à lui ? Il ne clame que n'être honnête avec lui-même, de n'envier que d'être lui. Qu'il ne fait qu'accepter ses désirs, plutôt que de se soucier du regard d'autrui.
Peu importe qui est en face, c'est en égal que cet homme l'approchera.
Faisant d'un horizon sans distance une promenade, du moins en apparence.
Ce qu'il possède, c'est une gratitude inflexible à ce qui l'entoure. Le reste, il est prêt à le perdre, ayant suffisamment vécu les affres de la possession, de l'attachement.
Seul, comme accompagné, le vagabond poursuit son chemin, libre.








Comme tout elfe vivant parmi les humains, dès l'enfance les différences sont l'évidence d'une incompréhension croissante.
Les relations lui paraissaient éphémères et douloureuses. Toutefois, la fierté de ses parents lui poussa à donner le meilleur d'elle-même.
Voilà le cadre dans lequel Uranie grandit, mettant un prix à sa confiance, et forgea son caractère.
Cette fillette ne lâcha pas si facilement l'affaire, se donnant corps et âme pour prouver qu'elle pouvait aider les cultures à pousser. À prouver que les elfes sont aux humains ce que sont les chats aux chiens, et non pas des créatures. Elle voulait s'en convaincre ou tout ça n'aurait aucun sens.
Et cela fonctionna, en grande partie grâce à la venu de son mystique favori. Comme quoi, de la misère pouvait naître une solidarité menant à une plus grande compréhension mutuelle. Malgré toutes ces crises de nerf, ce pourquoi elle s'était battu avait fini par prendre sens.
C'est ensemble que ce groupe d'exilés devinrent des colons, fêtant d'un banquet la première récolte.
Par la suite, la petite accepta de suivre les enseignements pour maîtriser ses capacités extra-lucides. Sans le savoir, c'est là que son rôle d'intermédiaire débuta.
Prenant l'habitude d'alléger les fardeaux des autres, elle fini même par avoir davantage de responsabilité dans les décisions du camp.
Uranie en avait trop fait, sa santé la rattrapa malgré les soins qu'elle recevait de plus en plus régulièrement.
Au-delà de ses problèmes personnes, sa convalescence mis en exergue un vide qu'elle ressentait au niveau de la poitrine.
À présent elle recherche autre chose. Quelque chose que -qui sait- le voyage pourrait bien céder.
C'est ainsi qu'elle quitta ses parents, son camp, pour rejoindre Ahriman. Ce dernier l'attendait paisiblement là où ils s'étaient rencontré la première fois. Bien que le lieu accueille plus de vie, l'ambiance n'avait pas changé.
Cette prairie était toujours aussi plaisante à parcourir, un poil nostalgique je dois l'avouer.

1. À la Fin de l'Horizon

Bonjour, bonsoir cher lecteur.
Je me prénomme Uranie Liafâl, ceci étant dit, vous m'excuserez ne de pas faire plus ample connaissance.
À l'âge de 7 ans l'on m'a emporté sur les flots avec mes parents, à bord de "la voile du Pèlerin". Entassés dans la calle parmi bien d'autres. Selon le motifs, certains aurait été "mis à mort", quand d'autres disparaîtraient pour une "croisière". Tel était le prix d'avoir commis injure au divin Valefor. Aujourd'hui encore je sais que mes parents me cachent des choses à ce sujet.. bref, je poursuis.
De l'Ul'Atarax à sa lisière, et de sa lisière à la fin du monde, notre espoir était mis à l'épreuve durant le voyage. Un trajet sans fin, dont ne connaisssait pas la destination, durant lequel mon père comme ma mère me faisaient rêver sur les aventures que vivaient les écumeurs sur le pont. Des histoires de monstres marins quand la mer était calme, de peuples aquatiques nous protégeant quand elle était agitée, mais surtout d'îles fabuleuses sur notre route.
Comme brisant cette fuite d'un fracas, jetée avec dédain, j'observe la ration que mes parents récupèrent au sol. Avec pour seul accompagnement des jurons ou parfois un discours immoral.
La maladie commençait à s'emparer de certains, quand d'autres disparaissaient certaines nuits.
Je me doutais bien évidemment de certaines choses.. mais j'étais loin de connaître l'entière vérité, si tentée je l'eusse convoité.
Les deux semaines suivantes furent pire, on manquait de nourriture, la mer était déchaînée, la croque était mise à rude épreuve dans des craquements douloureux.
Puis, nous accostâmes de nouveau, enfin de l'eau propre, de la nourriture. Toutefois, ça n'était pas une escale de ravitaillement. Non, nous avions traversés les confins des mers, pour arriver sur cette terre inconnue, au-delà des 7 mers, au-delà du regard du Père. Les rumeurs ne tardèrent pas à m'assommer, mais ça n'était qu'une question de temps avant que je comprenne où j'avais été envoyé.

Lucarion, étendue impie par-delà les 7 mers. Là où la lueur divine ne daignent plus porter regard depuis des temps immémoriaux.
La gueule du loup, d'où tous les maux se cachent de la vue du soleil. Telle était la balafre, tel était le refuge de la Honte humaine.
Dans cette vaste lande stérile perpétuellement illuminée d'une augure lugubre, ne subsiste qu'une diversité endémique, bien souvent indésirable.
De cette épaisse brume qui recouvre le pays entier, émergeait nos peurs, nos superstitions, dans un claire obscure autant inquiétant que fascinant. Cette inquiétude provenait de ce que les nuages cachaient du ciel. La source de cet indicible malaise. La voici..
Ses rayons, aux nuances bleutées, forment un panorama teinté d'un mirage au surnaturel troublant. Troublant notre vue, nos sens, comme notre esprit.
La voilà d'une taille terrifiante, cette Eclipse, remplaçant à la fois le Soleil comme la Lune. Peut importe le jour, peut importe le moment. Nous avions franchis le bord du monde, du moins c'est ce que notre corps nous hurlait. Quant à nos convictions, déboussolées. Largués ici comme un colis livré à l'oubli, nous avions perdus nos vies, notre horizon.
Et ce n'est pas tout. Car autrefois, il était de coutume de se couvrir le corps tout entier avant d'aller se coucher, par ce qui s'appelait le "Linceul". Afin d'éviter les rayons lunaires, aussi nommés "Clarté". Oui, on ne devait surtout pas dormir exposé à cette lueur malsaine.
À ce propos, Il faut savoir que les talisman en pierre de Lune -aujourd'hui- sont utilisés comme attrape-rêve. Mais leur origine était tout autre: provenant de la découverte des mineurs de l'époque, cette pierre protégeait son porteur de la Fièvre.

Les années passèrent, à survivre d'un camp de fortune à un autre, à suivre des compagnons d'infortune. Jusqu'à ce que mes parents finisse par diriger une caravane audacieuse. En effet, ils avaient obtenu des informations sur un lieu particulier. Comptant s'installer là où personne ne s'est encore aventuré.
Depuis le bateau, ma santé m'obligeait à dormir beaucoup. Pourtant, mes parents n'avait de cesse de rappeler à mes responsabilités d'assister leur entreprise. À 14 ans, ahh, grande phase de conflit.. disons qu'il m'était difficile de rêver. Même si mon regard scintillait plus que jamais, quitter le camp était une idée stupide, ça on me l'avait bien fait comprendre. Alors malgré les conflits j'écoutais, j'apprenais.
Ce qui n'est pas plus mal quand on entend des rumeurs de pillage. Qu'à la à la pénombre des ruines gothiques, se cacherait une concentration de criminels gerbés par les flots. Et ce, à l'entrée même du grand débarcadère de Noxa.

Acceptant peu à peu mon quotidien, c'est dans la nuit précédant d'un mois mes 21 ans que j'eus ce cauchemar. Des scènes indescriptibles d'une violence déchirante. La vision d'un cygne noir, puis d'un orage mais ne foudroyant que depuis le sol, et d'enfin un malheur ancien. Réveillée par l'angoisse de ce rêve, saisissant par son réalisme mêlé à une sensation palpable de déjà vu. C'est là -la rosée perlante sur la peau- que je fus comme happée par la réalité que nous minimisions, que nous fuyons : le camp arrive au bout de ses réserves et les cultures ne prennent pas, c'est l'esclavage ou la mort qui nous guète.
Comme une scène tournant en boucle que les flashes de son rêve ravivaient : famine, chaos, et sa hantise.. cannibalisme.
Pour ce dernier point, je me dois de vous parler d'une rumeur exclusive à cette région ombrale : Aujourd'hui encore, on raconte que des nécrophages erreraient au cœur des ombres, à l'affût d'une opportunité. Faisait disparaître les corps des mourants, parfois même menant les gens à s'entredévorer. Ce mal qui nous pousse à manger de la chaire humaine et ferait de nous des abominations monstrueuses, c'est ce qu'on appelle "La Voracité".  Aujourd'hui encore, ces bruits circulent, des grattements frénétique marquant les portes de griffures la nuit, des hurlements de personnes dont une partie du corps manque, les histoires à ce sujet sont intarissables.

Ainsi débuta une journée comme les autres aux confins de Lucarion.

2. Réveil d'une Terre Austère

La nuit de mes 21 ans ? comment l'oublier..
Son regard rejoint le ciel d'une lueur apaisée, un sourire en coin.
La dernière étoile filait à l'horizon. Dorénavant le ciel sera dépourvu de la moindre lueur. Comme si tous les astres étaient finalement tombés.
C'était le soir où le Père de l'Aube s'était éteint. Une perspective d'autant plus contrastée à Lucarion. En effet, depuis le bassin la mer de brume rendait toute observation difficile. Quand aux points de vue surplombant ce voile nébuleux, c'était tout l'inverse. Un lieu où l'on pouvait contempler un ciel sans limite. C'est de là que la nouvelle tomba.
Quoi qu'il en soit, c'est dans ce moment aussi symbolique qu'un rêve singulier me parvint.
Il s'agissait d'une ruine écroulée, m'accueillant d'un parterre luxuriant fleurit de toutes les couleurs. Aux tapisseries grimpantes comme tombantes, aux éclats miroitant l'intense ravissement d'un regard s'écarquillant à la vue de ce joyau. On l'imaginerait tel un jardin caché, un trésor à découvrir. Ou encore, telle la merveille d'un conte exotique - soufflée par le destin- au détour d'un époustouflant hasard.

Ailleurs, le regard plongé dans l'invisible.. là où le temps s'écoule autrement, un voyageur avait fait d'une expérience hors du commun son quotidien. En effet, coupé du monde matériel, il arpentait les vaisseaux de la Vie elle-même. Au rythme de ses pulsations, il côtoyait ses habitants. Ces mêmes individus paraissant si fantastiques pour les natifs du monde visible.
Ses sens se troublèrent quand un regard curieux vint le surprendre. Parmi tous les lieux, ici, là où personne ne devrait pouvoir le surprendre.
Combien de temps c'la faisait-il ? Des années ? Des décennies ? Peu importe, car c'était une simple fille qui sonna son réveil.
- Mes amis, vous m'avez bien guidé depuis ma venue. À présent, il est temps pour moi de retourner dans le monde matériel.
À la manière des rayons du soleil venant nous tirer hors du lit, il repris profondément son souffle et émergea péniblement de sa torpeur.

Je devais en avoir le cœur net, ne serait-ce que pour en être libérée.
Dans ce décor monotone, le parfum d'une rosée sucrée guide mes pas en direction de cette prairie.
Les plantes n'étaient en rien attrayantes. Néanmoins, il y avait bien un endroit où la cendre et le nectar s'enlaçaient dans une intense fragrance rappelant l'encens.
Oui, ce parfum même.. Perdue par cette incessante réminiscence, me voici à présent traversant ce champ chatoyant, teinté d'un crépuscule éternel. Se balançant dans un harmonieux spectacle aux nuances allant d'une pêche duveteuse à la prune liquoreuse.
D'un pas souple, proche d'une valse envoûtée, voilà que j'aperçois les vestiges d'un temps révolu.
À travers ces monuments, l'architecture gothique nous dévoila son secret : de cet édifice, il n'en restait qu'une arche romane. Sa clé de voûte est ciselée de reliefs se chevauchant les uns aux autres. L'estampille d'un savoir-faire perdu.
Oui, se dressant devant mes prunelles volontiers crédules, cette vision féérique la voici.
Là où mon chemin serpentait, un vague sentier de pavés traçaient les traits discontinus d'une route effacée par le temps. Dans l'espérance d'un signe, j'avais un rendez-vous.

Comme dans sa vision, un jardin foisonnant débordait du périmètre de la ruine, la rêveuse le foula avec prudence. Et une voix caverneuse ne tarda pas à résonner..
- Une lueur, vivante qui plus est.. quel présent radieux.
Dans un flash incisif, la randonneuse revit le cygne noir de son rêve. Ce faible écho s'échappait manifestement de cette silhouette emmitouflée de bandages. Cette chose, que l'on devenait émaciée, reprenait vie sous l'arche. Et la voici, assise en tailleur, ouvrant peu à peu les yeux à travers le bord de l'étoffe la recouvrant, le regard dirigé sur la jeune elfe.
- Emballé comme vous l'êtes, c'est à se demander qui est le cadeau. Que faites-vous ici ?
Sa voix est d'un naturel calme. Parfois l'on y décèlerait même du cynisme. Mais pour l'heure, son ton est troublée par cette présence à laquelle elle fait désormais face.
- Ici ?
Peinant à tendre ses bras -retenus d'un craquement- afin de dévoiler le décor à la lueur nocturne. Des lucioles tourbillonnant autour de ses bras, et -à bien y regarder- des racines semble le retenir, enrobées par ces bandages. D'un simple sourire chaleureux, il lança :
Sois la bienvenue dans ce sanctuaire, dans mon foyer de pénitence.
- Attendez.. Pourtant nul n'a été vu survivre en ces lieux. Tout a été laissé à l'abandon depuis des lustres..
Songea-t-elle à haute voix. L'inconnu marqua un temps de surprise, mesurant les repères de la jeune femme.
- Et pourtant, si une âme en peine m'abreuvait d'autre chose que de ses paroles, je pourrais en survivre.
D'un clin d'œil, il affiche un faible sourire narquois. Uranie laisse un soupir s'échapper, et lui tend son outre.
- C'est ça, faites le malin dans cette état et vous finirez comme la plus ridicule des momies. Je vais au moins vous couvrir du Linceul, que la Clarté ne vous atteigne pas.
De la présence perturbante qu'il inspirait en premier lieu, il n'en reste guère plus qu'un animal en détresse. Ne prêtant pas attention à ces histoires de Clarté. L'ombre se rua à la première gorgée d'eau à portée, grognant de soulagement entre deux inspirations saccadées. C'est alors que -brusquement- elle lui chaparde l'outre.
- Ghah- il m'en faut plus !
S'époumona-t-il d'une voix enrayée, pris d'une lancinante toux sèche.
- Minute papillon l'inconnu. Je veux savoir quel genre d'oiseau se réfugie ici avant de lui faire cadeau de cette précieuse eau.
Exigea-t-elle d'une moue.
Après un grognement de mécontentement, suivi d'une brève mine renfrognée, il regagna sa posture.
- L'on me prénomme Ahriman. L'oubli d'une vie désormais révolue.. L'Exil, voilà ce qui m'a conduit ici.
Insatisfaite de cette réponse, Uranie pris appui pour se relever.
Toutefois, cette curieuse surpris quelque chose qui la figea une poignée de secondes.
C'était un scintillement d'émoi dans le regard vide du revenant lui faisant face. Poursuivant son discours..
Comme tu peux le voir, du néant la vie s'adapte, elle foisonne..
Son regard reprenait un peu de son éclat à travers celle qui, désormais, tendait l'oreille.
L'émeraude chatoyant fixant un bleu profond -songeur- aux nuances enfin perceptibles.
Subséquemment à cette étincelle de vie, l'émacié vacilla d'un relâchement musculaire.
La demoiselle se rapprocha de lui comme pour le prendre dans ses bras, l'aidant à boire. Boisson à laquelle elle ajouta l'écrasé d'une baie tonifiante locale.
- N'allez pas clamser avec une révélation sur le bout des lèvres, ou je me sentirai obligée de vous asséner le coup de grâce.
Après une pause dans le silence nocturne, Ahriman reprit la parole.
- Merci Gamine, à présent conduis-moi vers l'extérieur, dans un lieu où les astres sont visibles, c'est important.
- En voilà des manières pour quelqu'un qui n'est même pas capable de se présenter. Appelez-moi Uranie plutôt, je vais vous attacher sur mon dos.
Une fois à l'extérieur, la vue d'une plaine cendrée, parsemée de vestiges oubliés, lui valait un regard blasé.
Durant cette marche, elle se sentait prise d'une inquiétude quand au poids s'allégeant du fripé.
Et c'est après une heures de marche qu'ils atteignirent le haut de la colline, surplombant du bout du nez la brume cachant la vaste plaine.
Une vive sensation de malaise parcouru le dos de la fille, se figeant debout, silencieuse.
Quant à lui, son corps était enfin debout, immobile, la tête levée au ciel dans une direction fixe. Elle n'osait plus le regarder. Oui, le sentiment d'effroi tenait son insoutenable source du regard perçant les tissus.
Pour la première fois, l'on voyait complètement la couleur de ses iris indigo, les yeux écarquillés, les lèvres déformées par un sourire carnassier.
- Je ne vois plus l'Empyrée, je ne ressens plus leur regard..
Marmonna-t-il à demi-mot avant de lâcher un long soupir d'extase, tordu le regard en arrière. Puis son regard se tourna en direction de bienfaitrice.
Uranie, dis-moi, quel est ton vœu le plus cher ?
Sa voix semblait de venir de toute part, se tortillant dans sa pose tordue, quel genre de dérangé avait-elle libéré ?!
Celle-ci se raidit, puis pris la parole fermement..
- Ne me dites pas que vous êtes des ces rêveurs que le désespoir désillusionne ?
Mais soit, je m'efforce de trouver une solution pour la fertilité de nos terres.
- Et ton corps ?
Fit-il, d'un ton serein, continuant de se contorsionner comme pour s'étirer.
La perplexe arqua un sourcil, un sourire au coin se dessina, il l'avait donc remarqué.
- Je n'en ai pas pour longtemps de toute façon.
Lâcha-t-elle avec une pointe de dédain.
- Je vais la prolonger, vois c'la comme un acompte. Ainsi, tu auras le temps de contempler ces terres pleines de vie.
Après une vive surprise, elle éclata de rire.
- Si ça n'était qu'un sujet si trivial..
Elle se ravise de prolonger cette phrase au regard solennel qui la fixe désormais, quelque peu intriguée.
- Toutefois, une fois que tu dépasseras ton temps, ton esprit pourrait en pâtir. Et, accessoirement, tu me demanderas de donner fin à tes jours..
Terminant sa phrase comme frappé d'un déjà vu nostalgique.
D'un simple hochement de tête la survivante lui exprime une approbation, et attend de voir où il va en venir.
Moi, Welan, l'Ainé. Ici et maintenant, j'en invoque à l'autorité des gardiens de ces lieux.
L'offrande a fleuri, le pacte est scellé.
Quelque chose d'exaltant, presque comme de spirituel, émane des lieux.
Quant à lui, son regard la fixait comme s'il scrutait le fond de son âme.
Laisses-toi guider, tu as des capacités que tu ne soupçonnes pas, alors même si tu ressens une grande chaleur, ça n'est qu'une sensation.
- Allez-y.
Lâcha-t-elle dubitativement, le regard quelque peu plissé de circonspection.
Au même moment, l'homme offrit un spectacle des plus habiles, faisant glisser les bandes le contraignant de simples gestes aériens, dévoilant ainsi tout de son corps. Etrange, bien moins squelettique et marqué que sa silhouette laisserait croire.
Comme répondant à cette appel, la verdure se mit à croître autour de lui, toutes sortes d'arbustes, fleurs, et champignons. Ce bouquet de végétation composait un véritable diversité botanique célébrant l'évènement. Chatouillant leurs jambes -comme leurs narines- d'une caresse herbacée.
- Maintenant, dénudes-toi de ton coccyx à ta moelle épinière, puis assieds-toi. Nos dos doivent être en contact, et notre respiration synchronisée.
S'exprima-t-il, d'un ton monotone au timbre chaleureux.
Malgré ce doux jardin, Uranie savait qu'il est des sorciers charmeurs qui abusent de la crédulité des autres, leur promettant monts et merveilles. Elle n'espérait plus rien de la magie, et pourtant, de cette résignation.. elle fit face à Ahriman, ôtant le Linceul d'un revers de main, silencieuse, le regard las, étouffant son inquiétude. C'est alors que cette dernière se retourna, soulevant sa tenue qui tomba à ses pieds sa tenue.
- Je n'ai pas toute la nuit, sorcier.
Affirma-t-elle.
C'est d'un pas inaudible que celui-ci s'installa dos à dos.
À mesure que leur respiration s'accordent, une étrange sensation se fait ressentir, comme si un fluide circulait à travers le dos, une fluide uni, comme d'un seul mouvement piloté par deux individus, une expérience insolite.
Les secondes s'écoulèrent de plus en plus lentement. Quand soudainement, la fille se congestionne, les paupières écrasées, comme réprimant une force, une douleur.
Un torrent de chaleur se concentre à la base de sa colonne, pour se déverser successivement de vertèbre en vertèbre.
Lui faisant ressentir une bouffée de chaleur, de plus en plus enivrante, de plus en plus étouffante. Jusque à un soulagement qui se diffusait dans la moelle épinière.
Uranie se rhabilla et Ahriman se couvrit du Linceul offert.
Pouah, quelle fatigue.. mais c'est incroyable comme mon corps est léger !
Pendant qu'elle sautillait de joie, le sorcier contempla à nouveau le ciel, le nez en l'air, les yeux clos..
- Cette époque, ces destins, je les ressens jusqu'ici.. et je ne suis pas le seul. Ah, quelle hâte.
- Je mets pour l'instant cette étrange rencontre sur votre temps passé enfermé. En attendant, vous avez un mois pour offrir une production à nos paysans. Ça ne devrait pas être bien difficile, pour un jardinier de votre trempe.
Lança-t-elle, décontenancée.
- J'accepte cette condition. En échange -durant ce laps de temps- tu penseras à explorer tes capacités à voir les présages. Tout comme les navigateurs guident les marins, les gens d'ici ont besoin d'un don comme le tien.
Rétorqua-t-il, d'une poignée de main scellant cet accord.

3. Le Jour du Crépuscule

Parcourant cette vaste prairie crépusculaire, l'alchimiste opère sur ses synthèses. Où seules des plantes volcaniques poussent, affirmant ainsi l'exotisme d'un tel climat. Aussi bien pour les terres que pour les Hommes, apprenant du riche bouillon culturel des exilés, ici-bas. Il commença sa nouvelle vie comme guérisseur.
Bon, ouvrez grand vos esgourdes mes braves ganaches :
La terre n'est pas qu'un amas de matière. Vos fourrés ne suffisent qu'à couper l'souffle cendré. Mais alors que faire ? D'un claquement de doigt voici la solution !
Répandez ce mélange sur vos cultures et rendez hommage aux élémentaires.
J'vous en fait grâce pour cette fois, nous en reparlerons à mon retour.
On se r'voit quand la sève des arbres montera, puisse la joie trouver votre porte !
Au terme de la deuxième année de sa vie libre, entre deux voyage, il prit l'habitude de passer par la côte pour rendre visite à sa bienfaitrice, Uranie.
Autant de temps qu'il fallut pour oublier la terreur de la Fièvre Argentée. Aussi réelles puissent paraître les histoires à ce sujet, de nos jours il n'en reste qu'un conte. Car, après tout, nul ne sait si c'est la terre des fous qui les créé ou les attire.
La jeune femme livrait ses prédictions du moment aux voyageurs, le guérisseur écoutant avec assiduité ces présages, ce qu'il appelait "le don des Astres", s'amusant de l'homonymie avec "le don Désastre".
À cette époque, malgré un don les reliant, leur amitié se faisait timide.

Le camp d'Uranie n'échappa aux raids, Ahriman arriva accompagné d'une paire d'adeptes pour mener à bien les négociations. Rencontrés et formés durant ses voyages dans les autres camps, l'un servira ensuite le Chambellan comme le Président et l'autre se fera tuer.
À la tête de ces matelots, un capitaine en recherche de conquête. Assisté d'un quartier maître aussi précis dans les comptes que dans ses coups, l'équipage la surnommait "la Friponne". Il avait franchi la ligne d'arrivée de la mer Ombrale, et en ce jour il découvrait ce que lui réservait ces terres inconnues.
Pour sûr, les négociations sont passées par des arguments tumultueux, d'autant plus que Uranie ne cachait pas son hostilité faces à ces conchieurs d'opportunistes. Ces pourparlers menèrent à de précieux renseignement sur le monde, sur des évènements risquant de survenir.
Deux jours plus tard, tout ceci se conclut d'un accord inattendu : le capitaine sera garant de la protection du camp le temps qu'il faudra pour constituer une aide suffisante à leur retour en mer.
Certains diront que ça s'est joué à une partie de carte interminable entre l'elfe et la Friponne.

Par la suite, une envoyée du Chambellan arriva au camp, annonçant que lui porter allégeance les soutiendrait au-delà d'une simple protection. Pourtant, la campagne de recrutement s'était clôturée l'an dernier et leur influence ne portait aux confins.. peut-être cela avait-il un rapport avec leur étonnante auto-suffisance, peut-être le vent de miracles de celui qui parle aux esprits avaient atteint les hauteurs de la citadelle crépusculaire ? Le camp était face à une décision majeure.
C'est alors qu'Ahriman pris la décision -accompagné de la Friponne- de laisser son matériel de soin à la responsabilité de Uranie, pour prestement s'équiper de quelque chose de plus.. létal. Direction Noxa.
Malgré un habile guet-apens aux abords de la cité argentée, il ne purent vérifier l'étendu de ces rumeurs. La situation était claire, cette faction avait désormais réunie une force suffisante pour imposer ses règles. Les menaces parfaitement dissimulées dans le discours, sa porte de sortie reposait en une lourde concession. Il livra ses conditions dans un bras de fer sinueux, et c'est seulement après que l'information tomba.. Galador, le capitaine chargé de la protection du camp s'était fait emprisonné.
Enchâssés dans un mercenariat peu reluisant, ils officieraient comme mercenaires à la solde de Noxa. L'ex-quartier maître pour la libération de son capitaine, l'ex-guérisseur pour son camp.
Sillonnant les contrées désolées, leur influence et champ d'action se débrida d'année en année.
La réputation de Joliandre la Friponne & Ahriman l'Alchimiste Vermeil se cristallisa pour n'avoir jamais pris la vie. De plus, certains prisonniers discutaient d'une prairie fabuleuse ainsi que d'une arche mystérieuse. Il n'en fallait pas plus pour que la rumeur aille de bon train, pour que ce duo soit tenu responsable de disparition de têtes mises à prix.
Enhardis par cette nouvelles livrés par des officiels envoyés à leur rencontre par Noxa, ils précipitèrent leur plan : les envoyer balader et libérer ces prisonniers, tous formés à ce moment. Plus de cinq ans de préparation, et bien plus de diplomatie antérieure à cette situation.
C'est tout un conseil de camps -auquel Uranie siégea- qui présida à cet évènement, pour ne pas dire les confins unifiés. Désormais mangeant à leur faim, ils avaient la force d'agir pour eux-mêmes, pour que même après avoir perdu leur ancienne vie, ils puissent bâtir un foyer désirable aux générations futures.
Cette évasion retentissante mena à des morts au prix de la liberté d'un plus grand nombre.
En effet, peu après le camp avait triplé ses effectifs, et un accord fut conclu dans un face à face direct avec le Chambellan. Par la force des choses, ce dernier reconnaissait que le zèle de Kuro ne fonctionnerait plus ici, malgré un crédo ayant cimenté la cité vers un avenir commun.
C'était sous-estimer Lucarion que de prendre ces peuples disparates comme des paysans à la recherche de sécurité. Une éduquée par ci, un monstre par là, tous unis dans une même faim. Celle-là même qui fut exacerbée depuis leur exil, oui, cet appétit que l'on nomme liberté. Ainsi, pour éviter toute crise dans un royaume pauvres, les camps indépendants seraient désormais plus à même de se développer d'eux-mêmes.

Suite à ces évènements, la santé de notre demoiselle préférée se dégrada, faisait profil bas, l'on entendait plus parler non plus du sorcier. Suite à quoi, ce dernier lui annonça :
À présent que ton vœu est exaucé, ta rallonge arrive à son terme, ma chère Uranie.
Toutefois, si ça n'te convient pas, il se trouve que j'ai une autre offre pour toi.

Bien après, le Chambellan ayant fait son temps, c'est désormais un Président qui gouverne Noxa.
Cette dernière est désormais surnommée par certains "le Phare d'Argent", bien plus attrayante que par le passé.
Nous voici un soir bien particulier. Il se tenait là, comme refusant d'être regardé de haut, observant dans le reflet de l'eau ce qui sera surnommé "La Nuit de l'Aube". Ahriman repris ce sourire carnassier qui lui manquait tant.. voici le signal qu'il attendait.
Traversant l'arche d'une ruine familière, une assemblée plein de vie l'attendait.
L'on y reconnaît bien évidemment la Friponne, qui, malgré certains échauffourées, reste fidèle au poste. Mais aussi, l'envoyée Kuroïte, qui à l'époque leur avait sommé de se plier au gouvernement. On aurait beau chercher Uranie en balayant le lieu du regard, mais elle ne s'y trouvait pas.
Après avoir pris le temps de contempler tout ce beau monde, l'homme inspira pour prendre la parole :
Camarades, le conseil est annulé.
Déclara à plein poumon le mystique, le sourire aux lèvres, joyeux.
Après un silence dubitatif, chacun observe la réaction de l'autre. Tous soupirent, s'attendant à une autre fantaisie de sa part.

Lucarion est une terre maudite, refuge idéal pour un être démoniaque. Mais quel drôle d'oiseau qu'un mystique mené à la baguette par une exilée qui ne paie que depuis peu le prix de son pacte. Espérons que ce binôme puisse faire prospérer Noxa de son vivant car...


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