Issu des tribus éparses en lisière de la forêt tropicale de Qalish, Tareem porte le sang estimé de grands héros tribaux dont la plupart se revendique de la lignée de Kasha, les Kashavesh. Ses traits sont communs avec les tigres de cette jungle. Des rayures parcourent la totalité de son corps, cisaillant même la rousseur de sa chevelure. Sur le haut de son crâne, des oreilles noires avec une tache blanche se dressent et s’affaissent suivant les humeurs et les sensations de cette femme bestiale. Ses canines prononcés témoignent de la férocité de son lignage autant que sa longue queue tigrée en est la caractéristique la plus flagrante. Malgré cette affiliation appelant à la vie en forêt humide, Tareem reste une enfant du désert. Son clan a depuis bien longtemps fui les vicissitudes du dangereux voisinage qu’est le redoutable peuple ailé au pied du Père.

La rudesse de la vie dans le désert ne laisse pas les plus fragiles survivre. Le corps est éprouvé, la volonté éreintée et le groupe malmené. Cette situation forge à la violence. La brutalité pour se protéger de ceux qui manquent, la sauvagerie pour survivre dans le manque. De cette nécessité, Tareem s’y est accommodé très tôt. Que l’on parle de talent ou d’une grande affinité pour briser des os, elle a toujours travaillé à développer sa force. Sa puissance se mesure dans la saillance de ses muscles dont la tigresse en tire une certaine fierté. Une stature d'un mètre quatre-vingts cinq de par son sang et une musculature entretenu par passion, ce physique lui offre certains avantages. Plus on en impose, plus on est craint. Dans la tribu, la douceur a des relents de soumission, la peur appelle l’admiration, l’intimidation crée le consensus.

Dans cette réserve de violence, les affrontements ont été fréquents. Tels des souvenirs propres à son corps, chaque cicatrice retrace un événement brutal, des entraînements rudes ou une lutte pour sa propre survie. Tellement riche en récits que Tareem n’a que de vagues souvenirs pour certaines d’entre elles. Néanmoins, le récit le plus gravé dans sa mémoire est celui de la lame responsable de la perte de son œil. La femme bestiale ne cache jamais ses anciennes blessures. Elles sont la preuve de son vécu. L'expérience inspire le respect.

Tareem porte des vêtements adaptés au mieux au combat et à la traversée du désert. Des simples bandages pour tenir sa poitrine, elle privilégie la liberté de mouvement au confort. Portant des bas larges et amples, la tigresse se satisfait de cette tenue classique que l’on rapproche bien plus d’une mode citadine remplaçant les longs drapés. L’unique élément montrant ses origines nomades est la longue écharpe rouge ornée de dorures. Malgré sa richesse apparente, son côté utilitaire n’en est pas moins réduit, protégeant le visage des gains de sables volatiles autant qu’il peut aussi bien couvrir la tête, si besoin. Néanmoins, Tareem n’est pas sans parure. Elle porte même du parfum riche et fort pour marquer sa présence. Il lui faut prouver son statut, se distancer de la masse, porter l’allure d’une véritable figure d’autorité. Un Dieu-guerrier ne doit pas imiter un quelconque qalishi. L'or et le parfum sont l'émanation du succès, et ainsi la légitimité du pouvoir.

Dès son enfance, Tareem a témoigné une grande volonté de prendre les choses en main. Contemplant l’horizon au travers des dunes de sable, des grandes ambitions et des rêves imprègnent son esprit. Des objectifs dont elle met tout ce qui en son pouvoir pour s’en approcher le plus possible. Si ce n’est de meurtrir son corps ou d'abandonner une ancienne vie, la grandeur de sa vision vaut bien ces sacrifices. Cette grande détermination peut vite tourner vers l’entêtement en face de la moindre opposition. Comme un tigre qui ne lâche jamais sa proie, les véritables projets de la femme bestiale seront toujours dans sa ligne de myre.

Pour pouvoir rassembler autant de brigands sous son commandement, il faut savoir faire preuve autant d’autorité que de cruauté. Ce n’est pas pour son propre plaisir, Tareem agit de la manière qui lui semble la plus adéquate pour gérer une situation. Qu’elle travaille à se forger une légende noire ou à la faire oublier, tout ceci n’obéit qu’à son sens stratégique. Faisant le tour de tous les problèmes, adoptant les décisions difficiles mais nécessaires, ce pragmatisme peut témoigner autant d’un manque de sensibilité que d’une grande force de caractère.

De par l’intimidation ou l’admiration, la tigresse subjugue. Elle a le rare talent de réunir à sa cause. Sa force et sa détermination inspire autant que son intransigeance inquiète. Tareem se retrouve naturellement en position de chef et cela lui sied parfaitement. S’entourant de personnes qu’elle estime efficaces, elle agit avec beaucoup de désinvolture pour le reste, pouvant montrer une certaine intolérance envers ceux qu’elle estime bien trop mou. Une caractéristique qui lui a joué des siennes lors de son enfance où son arrogance était pénalisée par les anciens. Cependant, le jour où elle choisit de tracer sa propre voie. La solitude s’est rarement imposée à elle.

Malgré cette image de caïd né, Tareem conserve une grande impulsivité dont il peut arriver qu’elle ait du mal à gérer. La tigresse se dépense constamment dans des combats amicaux ou des exercices violents, il lui faut toujours une activité. Même lors de festivités, elle peut témoigner d’un engouement communicatif. Cette difficulté de gestion de ses émotions amène parfois à des changements d’humeur assez brutaux. Passant d’une nonchalance agacée à une jovialité expressive, il lui arrive de déstabiliser son entourage. En effet, lorsque la pression monte, que ses objectives sont à portée de main, la femme bestiale piétine ses sentiments. Le cadre privé en devient parfois particulièrement difficile avec tout ce que cette Déesse-Guerrière doit contenir.

Les fils de Kasha

Tareem est une enfant d’une tribu nomade fractionnée en multiples clans dont les relations sont loin d’être cordiales. Entre les prédations, les anciennes rancœurs et les querelles pour certaines ressources ou pour le bétail, les clans ont relégué l’époque de leur ralliement à un lointain souvenir. La lisière de la jungle de Qalish est un lieu de luttes fréquents et parfois très cruels. Plusieurs personnes qu’elle estimait ne sont jamais revenues de certains affrontements, la tigresse de son jeune âge a vu elle-même sa mère et ses tantes combattre pour défendre le campement.

Dans ses moments de trouble devenant presque le quotidien dans une vie dans le désert, les anciennes du clan leur racontent toujours des histoires pour les distraire et les rassurer. Notamment, celle de leur ancêtre légendaire, Kasha, le Chasseur de la Lune. Dans une époque lointaine, où aucun Grand Rassemblement n’avait encore vu le jour, leur peuple divisé vivait encore dans cette forêt tropicale luxuriante défendant leur terre contre les ailés. On dit qu’un jour, une erreur de la nature naquit. Un tigre blanc, que tout le monde raillait. Mais sa férocité et sa force légendaire ont soumis un à un les clans et les tribus sous sa bannière. Il a été le seul et l’unique fédérateur qui féconde toutes les femmes de la tribu. Dans cette union invincible, le Grand Chasseur aurait repoussé le Roi des Cieux jusqu’à ses derniers retranchements au pied du Père. On le dote même d’une aura sacrée. Ainsi, est narré la légende du champion de la Fille du Crépuscule, Kasha. Un modèle pour toute la tribu, Tareem n’en est pas exempté. Ce mythe retrace une époque à présent lointaine et révolue. Les conflits avec les humains et le Grand Rassemblement ont esquinté les Kashavesh. Le contexte met les fils de Kasha entre deux feux, le peuple du Pharaon et le peuple ailé. Le Grand Rassemblement engendre une division interne entre les partisans et les réticents. La grande tribu n’a pas supporté ce contexte. Éclaté entre les clans, ils finissent par être soit soumis, soit chassé de la jungle par le Roi des cieux. L'âge d’or regretté, la jeune tigresse rêveuse pense déjà à un renouveau.

En grandissant, la jeune Tareem atteint les premières années de l’adolescence en ayant perdu toute innocence. Le souffle haletant, l'œil droit en sang, le cœur battant, elle a tué son premier adversaire. Il ne devait être plus âgé que de quelques années. Il venait d’attaquer le campement lors d’un raid. La tigresse a rejoint sa mère et ses tantes pour défendre le campement. Les pertes ont été plus importantes que d’habitude. L’acharnement de leur ennemi témoigne, en réalité, de leur désespoir. En effet, en ce jour, un clan a disparu par la famine et le manque malgré une dernière tentative. Leurs enfants et leurs femmes ne reverront plus leurs pères, leurs frères et leurs fils. Leur destin sera la mort ou l’escalvage. Le clan de Tareem a survécu.

Lorsque les mâles reviennent de leurs aventures et de leurs raids, la jeune fille a commencé à exprimer avec insistance son désir de les accompagner. Son talent et sa précocité sont assez reconnus pour que ses oncles acceptent de lui inculquer la survie dans le désert. Entre les vers géants, les brigands et les pénibles voyages, cette période a été pour Tareem la plus riche et stimulante de son existence. Arrivé à seizième année, son influence auprès de la jeunesse du clan est incontestable. Mais pour certains adultes, son assurance commence à frôler l’insolence.

Si bien qu’un jour, elle veut monter une expédition de son propre chef. Son oncle, le chef de clan, s’y est opposé, jugeant cette petite bien trop arrogante. Il va jusqu’à demander aux anciennes de la marier pour qu’elle cesse ses caprices. Malheureusement, en apprenant la nouvelle, Tareem a tabassé chacun de ses cousins pour les forcer à refuser quelconques cérémonies. Une stratégie qui lui a valu d’être pointé du doigt comme castratrice et créatrice de division. La jeune femme perd son droit de combattre et doit être sous la surveillance des anciens. Ne supportant pas cette sanction, elle décide d’organiser son départ avec certains soutiens et fils d’esclaves pour créer sa première bande.

Battre le désert !

Sur le tard de ses seize ans, Tareem guide ses premiers hommes-bêtes à travers les affres du vagabondage. Très tôt, elle rejoint un groupe de brigands du désert pour survivre. Leur nom, les Bat-déserts. Disparates, motivés que par l’argent et tenus que par l’intimidation, la tigresse s’est adaptée aux conditions pour augmenter son influence au sein de ces rebuts, malheureux ou esclaves en fuite. Elle ferme les yeux sur l’avidité et la perversion ambiante dans ce regroupement de loups affamés. Entre rapts en embuscade, massacres surprises et l’infamie, l’ancienne fille de clan est bien loin de l’honneur tribal des raids et des batailles. Néanmoins, cela lui permet de comprendre que le combat frontal est souvent la méthode la plus risquée et la moins efficace avec un effectif réduit. Ainsi, sa popularité augmente grandement car elle pousse toujours pour des stratégies amenant le moins de perte possible. Cependant, le plus déterminant pour sa domination totale du groupe est sa méthode de combat.

Elle ne porte aucune arme. La femme bestiale fait tous les effort possibles pour rendre ses mains plus létales qu’une lame maudite. Cette lubie lui vient directement du Légendaire Kasha qui arrache les ailes et les membres à mains nues. Le développement de son art martial lui coûte de nombreuses blessures mais sa détermination paye finalement. Capable de désarmer un adversaire, esquiver les fines épées et éviter les flèches filantes, la rumeur de sa redoutabilité suffit à la propulser en une posture très avantageuse pour reprendre les rênes des Bat-Déserts.

Lorsque l’ancien fondateur de ce groupe de bandits meurt pendant une embuscade qui tourne mal (un coup monté bien orchestré par les partisans de la tigresse), Tareem fait l’unanimité. Fini d’écouter les plans à la volée, la cruauté infertile et la fâcheuse tendance à tout dépenser en festivité après un casse fructueux. Sous le commandement de la tigresse, les Bat-déserts transitionnent avec fulgurance dans un tout autre niveau. Élargissant le champ d’activité, l’attaque des caravanes aux abords d’oasis n’est plus l’essentiel de leurs actions. Agissant comme une tribu, ils intimident et extorquent des campements de nomade et prennent le contrôle de routes de ravitaillement pour faire payer le passage. Tareem introduit même des alliances avec des petites tribus dissidentes créant les conditions de leur absorption par la troupe. Proposant même des circuits de recel, l’influence de sa troupe touche même la vie dans la grande Oasis de Shamedar. L’âge d’or du brigandage renaît après le Pacte Sacré entre les Hommes-Bêtes et les humains. Car, malgré la paix, le désert reste indomptable.

Après le sommet, les étoiles...

Dans cette décennie de larcins, la trentaine pointant le bout de son nez, Tareem sent un plafond de verre. En effet, sans conflit majeur, une troupe de brigands ne peut guère évoluer vers plus grand. Malgré ses réussites, ses grandes ambitions restent inassouvies. Si elle continue sur cette voie, la tigresse sait qu’il y a plus de chance que son influence s’affaisse. Les Dieux-Guerriers vont finir par vouloir sa peau si jamais elle se fait bien trop voir. Depuis son départ de la tribu, la femme bestiale a appris à s’effacer au bon moment. Malgré ses liens forts avec la relève, les mâles avec lesquels elle a pu partager des aventures et la fidélité des Bats-Déserts, elle décide de se retirer de son propre chef. Elle n'a fondé aucune veritable famille. La trentenaire s'est résolu à l'infertilité la plogeant toujours plus dans ses envies de grandeur pour palier à ce vide. Seuls ses plus proches lieutenants, ceux qui l’ont suivi depuis ses débuts, et d’autres soutiens l’ont suivi. Ils savent que ce retrait prépare une nouvelle aventure.

Avec les richesses accumulées, l’ancienne vagabonde investit dans les jeux populaires de l’Oasis de Shamedar. Fondant l’écurie du nom du héros-patron, Kasha, elle se concentre à la formation des esclaves et des jeunes voulant se forger un nom dans la gladiature. Devenant une véritable évergète des jeux, elle construit même une arène digne de la grande cité. Se forgeant une nouvelle image, passant l’ancienne dans un oubli relatif, sa popularité auprès de la population ne fait que grimper alors que les elites tribales et marchandes se mefient de cette arriviste. Au-delà de son écurie prestigieuse, Tareem s’investit dans la pacification des rixes en ville. Lors d'événements festifs ou de grands tournois, il lui a semblé nécessaire de soutenir le maintien de l’ordre et d’arbitrer les conflits. Une diplomatie bien maîtrisée augmentant le respect du qalishi moyen.

Ce soutien de la population, ou du bas-peuple, lui a permis d'accéder au titre le plus prestigieux du Grand Rassemblement. En effet, Tareem, à la mort naturelle du Dieu-Guerrier politique, a été le choix naturel pour satisfaire la plèbe. Les autres Dieux-Guerriers plus liés aux structures traditionnelles tribales ont pensé idéale de renforcer la cohésion dans cette époque de paix et d’union.

Le pouvoir aux mains de la tigresse, cette figure recente peut accomplir des choses infiniment plus grandes et marquées dans l’éternité. Néanmoins, elle passe encore son temps à assurer sa position encore fragile en tant que la plus jeune des Dieux-Guerriers en service. Malgré tout, dans cette période où le divin semble renaître, Tareem veut façonner sa nation. Marquer de son empreinte dans l’histoire, siéger aux côtés de son Grand Ancêtre et pourquoi pas…