Les volutes de fumée apaisent sa tension, alors que sa camarade de bain s’apprête à faire s’évader l’esprit de l’insulaire vers des terres inconnues. Qu’imaginait entendre Sakuya quant aux étendues neigeuses ? Elle sait bien que ces terres regorgent d’individus capable de donner le change aux fines lames Kuroïtes comme le tristement célèbre Père du Sommeil. Comme elle-même également. Hormis cela, les montagnes brumeuses et enneigées masquent toute visibilité depuis l’extérieur. De plus, même si un accord devait voir le jour entre les Fujiwara et la nation des Premiers Hommes, la garde princière rechignerait à se déplacer d’elle-même dans un tel climat. La robustesse nécessaire lui fait tant défaut que le climat pourrait représenter un adversaire invincible pour cette jeune femme appréciant avant tout les atours traditionnels au détriment de tout confort. Riche de l’attachement aux trésors de son pays, c’est tout naturellement que la mention des sources chaudes des Huldra sera la première mention suscitant l’émerveillement de la Princesse. Si elle avait observé une religieuse écoute auparavant, les onsens du Nord suffirent à la rapprocher un peu de la candide impressionnable qu’elle refoule si souvent. Le regard rayonnant adressé à la Sainte en témoignait de lui-même.



L’escrimeuse se souvient. Sur les cartes qu’il lui fut donné d’observer, on trouve un volcan dans le lointain est Halogien. Sans avoir aucune idée de la fonction de son interlocutrice, elle rationalise cette chaleur comme provenant d’une activité volcanique souterraine. Il lui semble pourtant avoir entendu parler d’une éruption étouffée dans des temps immémoriaux. La Première-Homme face à elle ne semble pas considérablement plus âgée que la jeune Kuroïte. Quand bien même cette dernière en soit friande, elle juge que de telles questions historiques sont plus pertinentes lorsqu’adressées à un auditoire vénérable. D’autant qu’il lui reste moult éléments par lesquels être éblouie.



Tandis qu’elle continuait d’apprécier les paroles de la croyante, Sakuya sondait la surface des mœurs nordiques perceptibles à travers leur incarnation présente. Le manichéisme étant une fable infantile, son esprit mûri percevait bien quelques notions dignes de sa considération dans le récit de la Sainte. Incontestablement, la rusticité et la barbarie n’en faisaient pas partie. Pour ce qui est de l’autonomie et de l’organisation clanique en revanche… l’écho avec les différentes familles de notables et leurs amendes honorables égayant autrefois l’archipel est satisfaisant. Bien plus que de voir ces mêmes notables ramper à la suite d’un serpent à huit têtes. De sa perspective actuelle, ce Saint-Empereur ne paraît pas être un tyran aux yeux de la jeune femme.



Toute considération physique écartée, puisque Sakuya est portée par les récits sur sa terre natale, la voilà qui se rapproche légèrement de sa camarade. Ceci afin de pouvoir parler un peu plus discrètement des mauvais côtés de son folklore.



La propre lame de Sakuya, lointain héritage familial, démentit toutefois la véracité de ce mythe jusqu’alors. Comment réagirait-elle si l’extension de son bras vengeur prenait vie entre ses doigts ? En vérité, la demoiselle l’ignore, sachant conserver une vision romancée séparée de sa considération pragmatique. Mêler les deux est un exercice auquel elle n’a malheureusement plus le loisir de s’adonner autant qu’elle le voudrait.



Outre la demande d’occulter le conflit de son esprit, Sakuya souhaite surtout voir Tyra se prononcer sur l’impression que lui laisse la cosmopolite Orochi. La Première-Homme à-t-elle déjà tenté de sortir de la capitale ? Qu’à-t-elle pensé de la façon dont on l’en a refoulée si c’est bien le cas ? Il y a bien d’autres questions qui viennent à l’esprit de la Princesse sur les opinions de cette voyageuse. Mais avant tout, la jeune fleur juge préférable de s’ouvrir un peu plus envers la femme aux yeux d’or. C’est pour cela que ces derniers verront s’harmoniser avec eux les prunelles de parme de la native.



Une première invitation adressée à la femme de foi de s’exprimer un peu plus ouvertement. La sang bleu officie bien pour ce régime publiquement, mais depuis peu elle ne se privait plus d’afficher une servitude moindre envers son gouvernement qu’envers ses concitoyens. Elle avait largement prouvé sa loyauté et continuait de le faire par ailleurs régulièrement. Connue comme orpheline sortie de la rue par la générosité princière, pouvait-on vraiment lui reprocher l’audace de se faire avocate des milliers d’autres voix silencieuses partageant sa condition ?