Après plusieurs semaines de navigation, il était temps pour Eryë d'atteindre « le nouveau monde », comme elle nommait tout ce qui n'était pas Kuro. Et bien, la voici en Meridiem, sur les quais de Mizutsune.

Elle n'a aucune possession avec elle, si ce n'est un katana dont le fourreau est solidement accroché à son ceinturon, le haut du corps caché par sa courte cape, alors qu'elle pose enfin les pieds sur le quai en un soupir. Enfin, celle-ci pouvait s'allumer une cigarette sans devoir la rallumer à chaque seconde à cause de l'humidité de la mer.

La Kuroïte observe les alentours, peu impressionnée, voire pas du tout. Elle qui s'attendait à une nouvelle culture, la voilà face à une extension d'Orochi, bien qu'un brin perdue dans le temps.






Telle fut sa première réaction en détaillant les alentours, son unique œil d'or masqué derrière de petites lunettes rondes dont les verres sont teintés de carmin. Un souffle des narines, accompagné de fumée, et la voici qui s'avance dans la ville faisant face au port.

Un élément la fait cependant tiquer, qu'elle n'avait pas vu jusque-là. En levant l'œil, elle voyait pour la première fois de sa vie le Père de l'Aube d'aussi près, elle pourrait presque s'y rendre de là, mais ce n'était pas son intention.






Dit-elle tout bas en le fixant, un air mauvais au visage. Elle avait face à elle le maître de la destinée de tous, selon elle, et donc, le responsable de tous ses maux. Son ennemi. Elle n'avait que faire de la religion locale, ou même mondiale, celui-ci était le responsable de tout.

Les mains dans les poches et les bras sous la mante, elle s'avance alors dans cette ville, à la recherche d'une opportunité ou d'une source d'argent potentielle.

Tu tires sur la pipe que tu as mis en bouche il y'a déjà plusieurs dizaines de minutes, machinalement.

Elle n'est pas chargée, et à vrai dire, tu n'as presque jamais fumé. C'est une relique, un artefact d'une vie volée. Autrefois, dans les jeux de cour, tu avais fréquenté des jeunes gens les bourrant d'herbes raffinées qui servaient à leur bon plaisir, et tu t'étais essayé à cette étrange habitude, loin de la chique des marins, qui salissait les dents et abrutissait l'âme... Et tu n'avais pas plus apprécié. Mais elle était devenue un symbole, un jouet. Tu aimais l'image qu'elle te donnait, sans doute.

Et tout cela importait fort peu, finalement, lorsque tu entendis les premiers ivrognes remonter des quais. L'accent prononcé laissait peu de doute quant à l'origine de ses marins, et tu rangeas donc cette pipe qui n'en était pas vraiment une, dans son écrin, avant de te relever. L'appartement dans lequel tu étais ne t'appartenait pas vraiment. Disons que personne ne te l'avait contesté, et qu'il était inoccupé depuis maintenant des années. Il était en plein coeur d'une alléée bruyante, chargée d'effluves divers, certains des plus déplaisants, et cela expliquait sans doute pourquoi nul ne se battait pour l'avoir...

Mais pour toi, ces désagréments n'en étaient pas. Lorsque l'on avait accès à un réseau d'informations des plus puissants, en mer, et que l'on savait prêter l'oeil, l'oreille, et le nez aux détails, il était possible de surveiller l'intégralité de la mer marchande, depuis ce petit appartement. Alors, avec un sourire, tu te relèves, t'aventure sur le balcon, et descend dans la foule en quelques bonds.

A ta gauche, tu portes ton sabre habituel. Un sabre sans prétention, sans spécialement d'histoire. Tu l'as sans doute pris à un capitaine ou un autre. A moins que tu l'aies acheté, celui-ci ? Peu importe, il est très confortable pour y déposer ton poignet en marchant, et tu ne crains personne, avec lui à tes côtés. Tu portes, pour l'occasion, ta tenue habituelle, ce manteau sombre, mais agrémentée d'un chapeau ornementé, à grands renforts de plumes diverses, et même d'une petite cocarde à tes couleurs. Tu ne te dissimules pas, et encore moins aujourd'hui.

Alors que tu descends vers les quais, tu la vois arriver dans la foule. Sa façon de se déplacer ne laisse aucun doute quant à sa dangerosité, et tu te surprends à sentir tes pupilles s'étrécir, se contracter. Tes poils se dressent sur tes poignets, et, de façon indicible, ta démarche s'ajuste. Tu es prêt à te battre. Mais tu n'es pas là pour ça.

Tu t'arrêtes dans une alcôve, et alors qu'elle passe devant toi, tu reprends ta marche, à ses côtés cette fois.

"Je vous attendais. Je suis Zacharia Onech, et vous êtes la meilleure bretteuse Kuroïte. Que vous faut il, comme salaire, pour renverser Richter Balenos ?"

Eryë s'avança dans la ville sans grande prétention, analysant les alentours de son unique pupille avant de remarquer l'homme qui se tient à ses côtés. Elle ne se contentera que d'un haussement de sourcil à ses paroles, surprise par son manque de tact flagrant, mais qu'elle semble apprécier.

Finalement, celle-ci laisse éclater un rictus amusé tandis qu'elle le darde, de haut en bas, lentement, sans arrêter sa marche nonchalante, une main reposant sur le pommeau de son sabre. Elle le sent, celle-ci a face à elle un égal, voir un adversaire qui pourrait potentiellement la terrasser, et pour la première fois depuis longtemps, celle-ci s'en amuse, espiègle.







La Kuroïte s'arrête alors et jauge le Déshérité de haut en bas, elle n'en a jamais entendu parler, le nom ne lui évoquant rien, pourtant, son allure en disait long. Un homme sûr de lui et de ses capacités, avec une demande importante et des flatteries. Son visage se fend alors d'un sourire en coin, narquois, rallumant la cigarette présente à ses lèvres, éteinte depuis le temps, pour finalement cracher de la fumée des narines, tel un dragon.






La femme mature garde son sourire, mais s'adresse à lui d'une façon monotone, sa voix ne véhiculant rien, si ce n'est des mots réfléchis et mesurés. Elle ne fait pas face à n'importe qui et, bien qu'elle ne sache en quoi, celle-ci semble se méfier, prête à toute éventualité, la dextre crispée sur la poignée de son sabre.

Malgré son regard scrutant les alentours et sa nervosité typique des combattants d'élite, aiguisant leurs instincts plus encore que leurs lames, elle ne t'avait pas repéré avant que tu prennes la parole. Tu le retiendrais.

Sa posture n'est pas différente de la tienne. Pourtant, à voir vos musculatures, tout vous oppose... Tu la devines légèrement plus forte que toi, et ses épaules sont bien plus musclées que les tiennes, notamment. Ses jambes et son thorax semblent aussi correctement entrainés, mais elle est bien plus centrée sur le haut du corps que toi. Ses jambes lui servent à se déplacer, non à se battre. C'est une différence subtile, qu'un autre ne ferait pas... Mais rien n'échappe à ton regard, lorsqu'il s'agit d'évaluer un adversaire.

En l'occurence, elle est à la hauteur de sa réputation. Une adversaire redoutable, sans doute une égale... Il en faut bien. Pour l'instant. Mais tu sais qu'elle ne pourra jamais te tuer. Tu es trop agile pour elle, et surtout, tu gardes des atouts dans ta manche. Personne, pas même le meilleur combattant au monde, ne peut aller plus vite qu'un éclair. Dans tous les cas, tu n'es pas pressé de le voir. Un conflit n'aurait aucun intérêt, dans votre situation à tous les deux. Tu as besoin d'alliés, et elle a besoin d'un but. Tu le vois dans son regard.

Elle est une louve, aux crocs acérés, à la détermination sans faille, mais qui n'a aucune idée de la façon dont elle atteindra son but. Ce sera cela ton rôle... Le pourvoyeur, le batelier. Quelle ironie.

Elle s'arrête, et tu fais de même. Elle est sur le point d'exploser, et tu apprécies cela chez elle. Ta maudite soif de danger et de conflits... Ses mots sont à l'opposé, dépourvus d'une quelconque forme de passion, factuels, droits. Elle vient bien de Kuro. Elle est aussi ennuyeuse et pointilleuse que les autres... Bah, tu t'y feras.

"Allons, ma chère, pas de fausse modestie entre nous.

Vous n'êtes peut être pas encore la plus grande épéiste de Kuro, mais nous savons tous deux que vous avez certainement les meilleures prétentions à ce titre... Mais je ne suis pas idiot, je sais bien qu'il vous faudra des alliés pour tout cela, et vous vous doutez que je ne viens pas vous proposer cela de façon si indolente parce que je vous pense capable de mettre à bas toute une province de Meridiem sur le fil de votre seule lame...

Non, j'ai en réalité un bien meilleur plan. Je suis l'amiral de la flotte Onech. Vous ne connaissez probablement pas son nom, mais peut être, si vous connaissez des marins, avez vous entendu parler de la Sereine, du Colérique, ou d'Absolution... Je dirige une flotte pirate qui étend sa domination de la Mer Marchande à la Mer Gelée. Oh, et j'ai une solide option sur la Mer des Ombres...

Tout mes équipages constituent l'armée qui me servira de base pour lutter contre Balenos. Quant à ma raison de vouloir le faire, je ne vais pas vous le cacher : je suis son fils banni, exilé pour avoir désapprouvé sa façon de gouverner. Oh, mon héritage me vaut bien des inimitiés, mais j'espère ne pas vous compter parmi ceux-là... Je me trompe peut être ?"

La Kuroïte lève un sourcil en l'entendant. Le fils banni des Balenos ? Une aubaine. Pour la première fois depuis le début de leur échange, Eryë affiche un grand sourire, satisfait, sincère, tandis qu'elle crache de la fumée de sa cigarette du coin des lèvres. La bretteuse le sent, celle-ci vient de trouver un allié de poids.






Elle ne pouvait pas mieux tomber, en vérité. Elle avait tant à dire au Seigneur Balenos, notamment du fil de son katana. Eryë croise les bras, laissant à la vue ses horribles cicatrices de brûlures à la vue du pirate, alors qu'elle le darde de haut en bas de nouveau, en profitant pour retirer ses lunettes arrondies.

Étonnamment, elle lui adressa un vague signe de respect, son chef se baissant lentement avant de se redresser, un grand sourire aux lèvres. Il n'était pas faux ou moqueur, mais bien satisfait. Il n'y a aucun doute, l'Épéiste était conquise. Pas par son physique, mais bien par ses mots.






Eryë vient écraser sa cigarette consumée au sol, sous sa botte de cuir montante, avant d'en rallumer une nouvelle à l'aide d'un briquet à essence rouillé par le temps et le sel marin. Dans un geste, elle viendra le tendre, ouvert, à Zacharia.






La Kuroïte marque une pause avant de reprendre, crachant de nouveau de la fumée, des narines, cette fois-ci, mesurant ses paroles. Après tout, ce n'était pas là un simple contrat, mais un coup d'État qui peut changer la géopolitique actuelle. D'une voix calme et presque enjouée, elle lui avoue donc.






Était-ce là un pacte avec un démon ? Peut-être bien, ou bien Eryë a des projets qu'elle ne peut qu'imaginer pour l'instant. Il est difficile de savoir ce qu'elle cherche réellement, ne laissant transparaître que le strict minimum.

"Oh, ne vous y trompez pas, je suis un vantard haut en couleurs. Je suis simplement un peu plus que cela"

Une bravade, une de plus, mais qui te donne le temps de réfléchir.

Le respect que tu as acquis, rien que par quelques mots, n'est pas si surprenant, bien que tu t'attendisses à ce qu'elle fût plus dure à convaincre. Et sa façon d'exhiber des cicatrices de brûlure t'interroge. Cette posture correspond elle à un recul qu'elle prend pour mieux jauger la situation et ta personne ? Ou est ce naturellement qu'elle prend une posture plus défensive lorsque le nom de ton père est mentionné ? Certes, elle sourit en le faisant, mais cela n'a aucun lien. Son âme peut être bravache, ou imprudente, mais son corps se souvient, lui.

Intéressant. Tu enquêteras à ce sujet.

Ses conditions sont discutables. La première est une simple broutille, si tu parviens à tes fins. Tu trouveras bien une vallée à lui accorder, un accès à la mer quelconque... Bien sûr, la question de "faire ce qu'elle veut" est contestable... mais tu es sûr que vous parviendrez à trouver un compromis. Il faudra bien, sinon tu te verrais contraint de te débarasser d'elle. A la voir ainsi, elle pourrait bien vaincre quelques uns de tes assassins, et tu n'es guère enthousiaste à cette idée... Nous verrons quand nous y serons.

La deuxième condition, en revanche, est irrecevable. Les dettes aveugles sont le refuge des hommes désespérés et incapables. Elles entraînent bien trop de risques, et pour être honnête, tu n'as aucune confiance en cette femme. Sa réputation est désastreuse, et tu dois t'assurer de garder un certain standing, si tu souhaites régner parmi les nobles et être reconnu, il est donc hors de question de devenir, même la durée d'une opération, le vassal d'une sauvage qui pourrait te demander d'effectuer un massacre qui n'aurait aucun intérêt pour toi.

Tu déclines poliment son briquet tendu, avant de croiser les bras à ton tour, un air enfin sérieux sur ton visage.

"Je crains, ma chère Dame Hae-In, ne pouvoir accéder à une demande aussi extravagante aussi simplement. Votre pied-à-terre est garanti, bien que vous devrez vous plier, au moins en apparence, à la loi Meridieme. En revanche, je ne suis pas homme à m'engager dans des mers aussi troubles que celles que vous suggérez. Et je ne suis pas non plus homme à trahir ma parole, il est donc hors de question que je vous mente en prétendant accepter cette condition.

Mais je suis prêt à discuter. L'ennui avec ce genre de requêtes, c'est qu'elles pourraient m'entrainer à agir de façon dangereuse pour ma réputation. Je m'en moque bien, dans l'absolu, mais si j'entends régner en lieu et place de mon père, je dois obtenir l'aval des nobles et du roi, et je le perdrais certainement si je tuais en votre nom je ne sais quel noble, ou même si je faisais acte de barbarie quelconque. Or, si cela arrivait, je rentrerais en guerre contre Meridiem entière, et je perdrais ultimement mon fief. Vous y perdriez votre pied à terre, et un allié précieux.

Aussi, je ne remets pas en cause ma dette envers vous, et je pense que notre alliance vaut bien une contrition... Mais je me permets d'avoir un véto à placer. Lorsque vous me soumettrez une requête, je l'étudierai, et, si elle est dangereuse pour ma position, et donc pour votre tranquilité, je la refuserai. S'il est possible d'atteindre le même objectif par un moyen détourné, qui éloignerait les regards de nous deux, alors je le ferai, mais si ce n'est pas le cas, il vous faudra trouver un autre voeu.

Certes, cela peut sembler décevant, à vos yeux... Mais je vous l'ai dit. Je tiens mes promesses. Nous avons tous deux à gagner, en faisant des compromis."

La Kuroïte souffle des narines en l'entendant, mesurant ses paroles un instant avant de reprendre. Il marquait là un point essentiel : un homme de son importance ne pouvait s'engager aveuglément dans des décisions qui peuvent toucher une nation entière. Elle hésite un moment, un long moment, dissipant le briquet à essence dans... le rien ? Est-il disparu par magie ?






Là encore, un instant de réflexion, Eryë en profitant pour carboniser entièrement cette tige qui trônait jusque-là à ses lèvres pour chercher les bons mots. Doit-elle révéler ses plans ainsi ? Peut-être, peut-être est-ce là le seul moyen de procéder. Un nouveau soupir lui échappe des narines, non d'agacement, mais bien de tension, un de ses nombreux tocs.






Celui-ci avait été parfaitement honnête avec elle, alors elle le serait aussi. Voilà son but ultime, sans détours, sans artifice, le contrôle de Port-Liberté. Disait-elle seulement la vérité ? Peut-être, elle n'avait pas l'air d'un bandit, mais encore moins d'un magnat du crime. Finalement, l'épéiste lui tend la main, concluant le pacte si cela lui convient.

Elle choisit de jouer la carte de la franchise, tout comme toi. Un choix que tu ne peux qu'apprécier, qui ne te surprend pas vraiment, venant de quelqu'un d'aussi direct qu'elle, mais que tu observes avec une certaine interrogation.

Dit elle la vérité ? C'est probable. Mais pourquoi Port-Liberté ? Et si Port-Liberté est bel et bien son objectif, pourquoi haïr ainsi Richter ? Elle ne rejoint pas ta cause uniquement par appât du gain, il s'agit d'une convergence d'objectifs. Elle veut se débarasser du vieux Balenos, et ensuite, une fois cela fait, conquérir Port-Liberté. Il y'avait peu de gens, en ce bas-monde et à ta connaissance, qui haïssaient les deux. Port-Liberté n'avait jamais été un obstacle à la piraterie, au point où la majorité pensait que le navire avait été coulé par Richter il y'a des années, et Kuro n'était pas connu pour être une nation de marins tenant à libérer les mers. De même, si elle était corsaire, elle n'aurait pas de haine envers l'amiral corsaire.

Alors pourquoi ? Et soudain, tu comprends. Ses brûlures, la colère que tu devines sous sa peau, et son âge... Tu réprimes un sourire satisfait, qui serait inévitablement mal perçu. Mais maintenant, tu sais comment la faire danser, et surtout, tu sais comment la faire craquer. Un beau jour, selon si elle est une alliée de qualité ou une ennemie gênante, tu couperas ses fils, et la libérera, déchaînée. Qui sait ? Ce sera peut être le premier fait d'arme de la famille Onech...

Peu importe comment les choses se déroulent, tu t'arrangeras pour que ce soit à ton avantage. Tu zigzagues entre les courants adverses, que tu connais si bien, et arrive toujours là où tu le souhaites. Tu es une anguille.

D'autres choisiraient des termes moins élogieux.

Tu décroises les bras, en hochant la tête, grave en apparence.

"Voilà un objectif qui me sied mieux.

Port-Liberté... Je vous mentirais si je disais que ce n'est pas un problème. Je ne vous ferai pas l'offense de prétendre qu'elle n'existe plus, nous savons visiblement tout les deux ce qu'il en est, mais je n'ai actuellement pas la force de frappe suffisante pour réaliser cet objectif. J'ai été contacté par le Haut-Conseil à quelques opportunités, jusque-là, et cela m'a suffi à estimer que leur navire doit compter... peut être trois ou quatre mille marins. Et la majorité d'entre eux n'est peut être pas marin. Je serais surpris qu'il y'ait moins de dix mille personnes à bord. Envoyer mon équipage contre eux serait du suicide, mais avec la flotte des Balenos en plus...

Je dois y réfléchir, mais je sais d'ores et déjà que c'est un marché qui vaut le cout d'être passé. Alors je m'y engage. Une fois seigneur, je déferai Port-Liberté, et vous mettrai à sa barre"

Tu tends la main vers elle, avec un sourire.

Quelle belle alliance.

La Kuroïte se fend d'un sourire en l'entendant, il avait compris ce qu'il y avait à comprendre sans avoir eu besoin d'un étalage de sa propre vie, et cela lui sied grandement. Il n'y aurait, au moins, pas besoin de remuer de vieux démons.

Évidemment, celle-ci haït Richter Balenos par ses actions : il avait effectivement participé à l'effort contre Port-Liberté, mais les civils ont été laissés à leur pauvre sort et Eryë est de ceux-ci. Elle se permet un nouveau rire, un toc, satisfaite alors qu'elle hoche faiblement le chef à ses mots, bien qu'une grimace se laisse entrevoir à ses lèvres.






Avec un sourire aux coins des lèvres, Eryë vient attraper celle de Zacharia, tendue, et la lui serrer. Ainsi, le premier pion d'un long échiquier venait d'être placé. Mais il en faudra encore beaucoup d'autres.

Port-Liberté est elle si invulnérable que cela ?

A n'en pas douter, leur équipage est incroyablement grand, et pour manier ce genre de bâtiments, il faut savoir ce que l'on fait. Leur puissance de feu est sans commune mesure avec tout ce que tu possèdes, et tu es presque sûr qu'ils ont à bord plusieurs forges pour armer le navire, faire des boulets, et tant d'autres choses. De la même façon, le Haut-Conseil est constitué de gens, non seulement compétents, mais aussi malins, sages. Des gens capables de tout, et notamment assez intelligents pour avoir pensé à combler les trous dans leur stratégie que Richter avait mis en évidence.

Pourtant, cela ne les rend pas invulnérables. Oh, sept navires ne suffiront pas. Vingt, peut être pas. Mais tu sais que tu triompheras de Port-Liberté avec une fraction seulement de leurs effectifs. Bien sûr, c'est une idée à long terme. D'ici là, tu auras joué tes cartes, envoyé tes assassins, préparé le terrain. Et alors, ils sauront que Richter était peut être aussi bon marin et pirate que toi, mais que tu es un bien meilleur stratège.

"Donnons nous rendez vous... D'ici six mois, retrouvons-nous dans une taverne, le Narval Ivre. Elle se situe sur les quais, vous la reconnaîtrez simplement par la grande pancarte représentant un genre de dauphin avec une corne. Vous demanderez Onech, peu après le début de la nuit, et nous discuterons pour voir où nous en sommes.

A bientôt, mon amie... je crois qu'il vaut mieux que nous nous séparions pour l'instant."

La Kuroïte, elle, semble bien moins sûre de sa propre victoire. Rien qu'à y penser, elle émet une nouvelle grimace tandis qu'elle s'allume une nouvelle cigarette, probablement celle de trop, car elle émet une vague quinte de toux lorsqu'elle en recrache la fumée.

C'est bien entendu une addiction qu'elle ne parvient plus à contrôler depuis longtemps, mais également l'un de ses nombreux tocs qu'on devine ci et là, dont elle est bourrée. En vérité, on en devine une bonne dizaine juste à l'observer, sa froideur n'étant qu'une façade pour la protéger du monde qui l'entoure, une armure qu'elle porte en permanence.






Eryë se fend d'un rire et tourne les talons pour reprendre sa route initiale, en profitant pour remettre en place ses lunettes rondes aux verres teintées de rouge, un sourire au coin des lèvres.